Corps noirs et médecins blancs : La fabrique du préjugé racial, XIXe-XXe siècles Delphine Peiretti-Courtis

Résumé

Pour lutter contre les stéréotypes racistes qui perdurent à l'égard des femmes et des hommes noirs dans la société française, il faut revenir à leurs origines. De la fin du XVIIIe siècle jusqu'au milieu du XXe, la littérature médicale a élevé au rang de vérité scientifique les préjugés raciaux sur les corps noirs : infériorité intellectuelle, résistance physique, prédominance des émotions ou encore hypersexualité. L'ouvrage de Delphine Peiretti-Courtis constitue une première enquête approfondie sur la façon dont fut traitée cette question dans les écrits spécialisés de la période : dictionnaires et traités médicaux, monographies sur les races humaines, rapports de missions coloniales. Elle documente ainsi l'apparition dans les sciences médicales françaises des théories raciales appliquées aux populations africaines, puis leur développement avant leur déclin. Elle éclaire les processus de racialisation du corps, du genre et de la sexualité des peuples d'Afrique. Dans une société où la science se substitue progressivement à la religion comme source du savoir, le schéma racialiste élaboré par les savants est ensuite conforté par le pouvoir politique pour servir le projet colonial : le corps devient un outil de la colonisation. En mettant en lumière les mécanismes de formation des stéréotypes ainsi que leur contestation progressive, cet ouvrage permet de comprendre comment les préjugés sont devenus des " savoirs " scientifiques, ancrés durablement dans les esprits, même après leur invalidation complète.

Auteur :
Peiretti-Courtis, Delphine
Éditeur :
Paris, La Découverte,
Genre :
Essai
Langue :
français.
Description du livre original :
1 vol. (352 p.)
ISBN :
9782348045011.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Introduction. L’ère du préjugé racial est-elle achevée ?
  • 1. Survivances d’un racisme ordinaire en France
    • Résurgences, rémanences ou permanences ?
      • Animalisation
      • Paternalisme colonial
      • Maternité, fécondité et démographie africaines
    • Corps et couleur de peau : être une femme noire, un homme noir en France
      • Sexe et hypersexualité
      • La musique, la danse et la paresse des « nègres » : un langage raciste et colonialiste
  • 1. Première partie1780-1860, rencontre avec l’altérité africaine et construction des stéréotypes
    • 2. Les mystères de l’altérité noire : la couleur de peau
      • La couleur noire : histoire d’une malédiction
      • La couleur comme critère de race
        • Monogénisme versus polygénisme : la couleur comme témoin
      • D’où vient la couleur noire ?
        • La couleur du « dedans »
        • La couleur de l’enfant noir à la naissance
        • La couleur du Noir hors du continent africain… et du Blanc hors d’Europe
      • L’enveloppe cutanée
    • 3. Le crâne et le visage africains
      • Le crâne, l’angle facial et la race : l’héritage de la physiognomonie et de la phrénologie
      • Nez, lèvres et prognathisme
        • Déshumanisation des visages noirs
      • Les « cheveux africains »
    • 4. Corps et cultures des Africains : entre vertu, primitivité et sauvagerie
      • La nudité africaine
        • Une nudité vertueuse
        • Rationalisation scientifique : nudité et sauvagerie dans les débats de la « biologie »
      • Les frontières de l’humanité et de l’animalité : langage, bipédie et anthropophagie
      • Primitivité et animalité : l’odeur de l’Autre stigmatisée
        • Une odeur raciale ou culturelle ?
        • L’odorat aiguisé des Noirs
        • Laideur du primitif et beauté de l’exotique
      • La maternité exemplaire des Africaines
        • Une nature féminine universelle
        • Nature et maternité
        • Une fécondité généreuse ?
        • De « bonnes » nourrices et une nature bienfaisante
        • La question du lait et de la transmission des caractères
    • 5. Le sexe des hommes et des femmes noirs : difformité ou démesure ?
      • Les attributs sexuels des femmes noires : les Hottentotes, les Bochimanes et les autres
        • Dévalorisation et dénigrement des seins des Africaines
        • L’hypertrophie fessière ou stéatopygie : un caractère sexuel et racial ?
        • L’exemple paroxystique du tablier hottentot : l’étrangeté racialisée
      • L’excision et sa caution médicale
      • Le sexe mythifié de l’homme noir
      • La sexualité africaine : entre excès et dérèglement
        • Le sexuel primerait sur l’intellectuel en Afrique
        • Les influences du milieu sur la sexualité africaine
  • Deuxième partie. 1860-1910, le corps noir scruté et mesuré : science, politique et terrain africain
    • 6. Analyser, mesurer et déchiffrer la différence
      • Affiner les critères d’analyse
        • Évaluer la pigmentation de l’épiderme
        • Analyser les cheveux et les poils
        • Observer et mesurer les nez
      • Mesurer la surface
        • Les outils et les concepts : l’étude des crânes
        • Les usages de l’anthropométrie en terrain colonial
        • Le crâne comme témoin de l’intelligence
        • Hiérarchisation de l’intelligence et entreprise coloniale : de la science au projet politique
      • Scruter les profondeurs
        • La charpente, le squelette et les os : le développement de l’ostéologie
        • Anthropologie des « parties molles » : la dissection au secours de la raciologie
    • 7. Une résistance et une immunité hors du commun ? Le corps, un outil politique
      • À l’épreuve des pathologies tropicales : immunité et vulnérabilité des Noirs et des Blancs
        • De la géographie médicale à la pathologie comparée des races humaines
      • L’Afrique, le tombeau de l’homme blanc ?
        • Les dangers du climat et la question de l’acclimatation
        • La menace des pathologies exotiques
      • L’immunité des Africains : une question d’acclimatation ou de race ?
      • La déconstruction du mythe de l’immunité : la vulnérabilité africaine
      • La résistance à la douleur : insensibilité ou contrôle de soi ?
      • Le préjugé de la robustesse africaine
    • 8. Entre nature et culture : l’« esprit africain »
      • Une taxinomie des vices et des vertus en terre africaine
        • Les défauts africains
        • Les vertus de l’âme noire : du cliché exotique au paternalisme
        • L’esprit africain et le projet colonial
      • La colonisation ou la transmission de la civilisation et du vice
        • L’alcool aux colonies, ou l’introduction du vice
        • Vices sexuels et nature africaine
      • Les mœurs africaines : des « sauvages » à civiliser ?
        • L’anthropophagie : ultime témoin de l’animalité africaine ?
        • Nudité africaine et primitivité : la propagande coloniale dans le discours médical
    • 9. Beauté et culture africaines
      • Une classification de la beauté noire
        • Beauté, races et civilisation
        • En Afrique
        • Géographie de la beauté féminine
      • La beauté façonnée : les « techniques du corps »
        • L’outrage au corps : scarifications, tatouages et mutilations dentaires
        • Maquillage, coiffures et parure : une coquetterie universelle et acceptable
        • Des émanations culturelles ? L’odeur en question
      • Infériorité, évolutionnisme et animalité
    • 10. Sexe, sexualité et genre troublés
      • Sexualité africaine et tentations coloniales
        • Polygamie, sexualité ardente et sociétés déréglées
        • Excès génésiques et tentations féminines aux colonies
      • Relations interraciales et peur du métissage
        • Le métis comme avenir de l’humanité : la mixophilie
        • Le métissage comme source de tous les maux : le métis, un être inférieur et infécond ?
      • Troubles dans le genre en Afrique : des sociétés à éduquer
        • Des sexes indifférenciés ? Des hommes efféminés et des femmes viriles
        • La pilosité ou les « défaillances » de la virilité en Afrique
        • Travail féminin et virilisation des femmes : l’homme noir stigmatisé
        • La fonction guerrière et les femmes
        • La revalorisation des sexes et du genre en Afrique
  • Troisième partie. 1910-1960, médecine de terrain et prosélytisme colonial : la race face à la culture
    • 11. Les races n’existent pas
      • Un corps façonné par la culture ?
        • La stéatopygie : un caractère acquis ?
        • Le façonnement du sexe féminin
      • La persistance des études sur les profondeurs du corps
        • Le dernier souffle de l’anthropométrie
        • La dactyloscopie, ultime avatar de l’anthropométrie ?
      • La génétique : un nouvel espoir pour la raciologie ?
        • La théorie monogéniste confortée
        • Le sang des races : groupes sanguins et hémotypologie
        • Biochimie et groupes sanguins
        • Vérifications et applications des théories en territoire africain
      • Les preuves de l’inexistence des races humaines
    • 12. « Faire du Noir » ou la peur de la dépopulation africaine
      • Pathologies tropicales et mortalité africaine : l’urgence sanitaire
        • La santé noire fragilisée, le médecin colonial glorifié
        • Les pastoriens sur le terrain africain
        • L’alimentation et le renforcement des corps : améliorer la santé indigène
        • Les Africains face aux maladies des Blancs
      • Former les mères africaines
        • La mortalité infantile en question
        • La remise en cause du modèle maternel africain
        • L’allaitement en Afrique : la nature guidée par la civilisation
      • Action coloniale et maternité
    • 13. La « force noire » et le retour de la virilité africaine
      • La force naturelle de l’homme noir : un modèle de virilité ?
      • L’utilisation de la force africaine
        • La puissance du tirailleur
        • La « honte noire »
      • Que vaut l’homme noir ? Évaluer la résistance
    • 14. Culture et exotisme africains : entre mépris et tolérance
      • Le médecin-ethnographe et la « culture africaine »
        • Les femmes-à-plateaux ou le paroxysme de l’altérité culturelle
      • Les mutilations génitales et leur condamnation
      • Nudité et pudeur : le relativisme culturel
  • Épilogue. La race à l’ère postcoloniale

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