Business Model : L'université, nouveau laboratoire de l"idéologie entrepreneuriale Olivia Chambard

Résumé

Depuis les années 2000 se multiplient à tous les échelons de l'enseignement supérieur des dispositifs de sensibilisation et de formation à l'" entrepreneuriat ". D'où provient cette injonction croissante d'éduquer la jeunesse à l'" esprit d'entreprendre " ? Que fait au fonctionnement de l'Université cette montée en puissance de la référence au monde économique en son sein ? Quels sont les enjeux politiques de cette fabrique de vocations entrepreneuriales ? A partir d'une enquête au long cours combinant entretiens, observations et archives, l'ouvrage retrace la genèse de ce projet éducatif et les formes de son déploiement dans les universités et grandes écoles françaises - à travers notamment la dévalorisation des savoirs théoriques au profit de " savoir-faire " et de " savoir-être " supposés immédiatement utiles dans l'univers économique, l'adoption de normes de conduite valorisées en entreprise, etc. Le projet éducatif ainsi déployé sous la bannière " entrepreneuriale " participe à la diffusion de l'idéologie néolibérale. S'il donne l'illusion que tout le monde peut entreprendre, il prépare d'abord les fractions les moins dotées de la jeunesse diplômée à l'occupation de positions précaires aux marges du salariat (micro-entrepreneuriat, par exemple) tandis qu'il permet à une jeunesse dorée d'accéder à de nouvelles positions valorisantes (dans l'univers des start-up, notamment). L'enseignement supérieur est ainsi appréhendé à la fois dans ce rôle inédit de laboratoire des idéologies capitalistes - quand l'Université avait, du moins depuis 1968, plutôt fait figure de lieu de la critique sociale -, mais aussi de " cible " pour des modèles qui, en la pénétrant, en subvertissent en partie les objectifs et les modes de fonctionnement.

Auteur :
Pudal, Romain
Éditeur :
Paris, La Découverte,
Genre :
Essai
Langue :
français.
Description du livre original :
1 vol. (295 p.)
ISBN :
9782348042706.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Introduction
    • De quoi l’entrepreneuriat est-il le nom dans l’enseignement supérieur ?
    • Une sociologie des relations entre monde académique et monde économique
    • Enquêter (tout) contre son objet
  • 1 L’éducation à l’entrepreneuriat : genèse d’une cause
    • Ouvrir l’École à son environnement économique ? Une controverse ancienne
      • Des contestations de la forme scolaire « au nom de l’Économie » qui remontent au XVIIIe siècle
      • L’économicisation affirmée des politiques scolaires après 1945
    • La cristallisation de la cause (1970-2010)
      • Le manque d’esprit d’entreprendre : l’invention d’un problème public
      • Une seule solution : la rééducation !
      • Des pionniers de l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur
      • Mobilisations bureaucratiques
  • 2 L’« entrepreneuriat étudiant » : l’invention d’une politique à bas bruit
    • La requalification éducative d’un problème économique
      • Le ralliement de l’Enseignement supérieur
      • « Qu’est-ce qu’on fait contre le chômage des jeunes ? »
      • « Faire sauter l’idée toute faite que l’université est un lieu où on apprend »
    • L’administration au travail
      • Une coalition interministérielle sous la houlette de l’Enseignement supérieur
      • « On aurait très bien pu faire en sorte qu’il ne se passe rien » : entre relégation administrative et mobilisation des agents
      • L’appui d’acteurs extra-étatiques
    • Gouverner les conduites : les instruments d’une soft politique
      • Une action publique sans droit et sans argent
      • La force d’une politique faible ?
  • 3 Les pédagogies de l’entrepreneuriat, entre normes académiques et normes de l’entreprise
    • Des courtiers de l’entreprise en milieu académique
      • La mise en avant d’une légitimité entrepreneuriale
      • Des hexis antiacadémiques
    • Le paradoxe d’une « pédagogie du ludique » tournée vers le « réel »
      • Apprendre en s’amusant
      • Apprendre en pratiquant
      • Apprendre (dans) l’urgence
    • Le règne des « savoir-être »
      • La personnalité et l’expérience comme critères de sélection des étudiants
      • Des « savoir-être » agrémentés (dans certaines formations) de « savoir-faire »
      • Qu’est-ce qu’un « bon » plan d’affaires ? Les critères d’évaluation des travaux étudiants
    • Une (relative) mise aux normes académiques de l’entrepreneuriat
      • L’invention d’une discipline improbable
      • Le retour « par la bande » des formes matérielles de l’École
      • La normalisation d’une filière d’« exception »
  • 4 Usages pluriels et ambivalences idéologiques de la raison entrepreneuriale
    • Un usage économiciste : fabriquer des entrepreneurs
      • De l’extension de la logique économique à la diffusion d’un sens commun néolibéral
      • Xavier Pero, importateur du « réalisme économique » à l’université
      • Françoise Valmorin, une fonctionnaire « en guerre économique »
    • Un usage socio-éducatif : accompagner les jeunes dans leurs projets
      • De l’insertion à l’émancipation
      • Corinne Ambroise-Léger : l’entrepreneuriat au service de l’initiative étudiante
    • Un usage « interne » au service de la transformation de l’enseignement supérieur
      • Entre réforme managériale et rénovation pédagogique de l’université
      • Mohammed Saghir, un universitaire chantre de l’« université entrepreneuriale »
    • Les usages démotivés d’une bureaucratie émergente
      • Un investissement désinvesti
      • Claude Laville : une opportunité d’emploi avant la retraite
    • Des usages pluriels au pouvoir de l’institué : la légitimation de l’« esprit du capitalisme »
      • L’ambivalence de la critique du salariat
      • La faible prise en compte de l’utilité sociale des projets
      • La force des mots ou le subreptice rappel des « réalités du marché »
  • 5 Du côté des étudiants : l’inégale accessibilité sociale des vertus émancipatrices de l’entrepreneuriat
    • Se former à l’entrepreneuriat… pour devenir salarié
    • « Échapper à Décathlon » : l’entrepreneuriat comme tentative de résistance à la dévaluation des petits et moyens diplômes
    • « Échapper à L’Oréal » : l’entrepreneuriat comme nouvelle forme de domination des élites
  • Conclusion
    • Le nouvel esprit de l’enseignement supérieur
    • Les promesses non tenues de la promotion de l’entrepreneuriat individuel
  • Remerciements

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