L'émotion argumentée : l'abolition de la peine de mort dans le débat parlementaire français Raphaël Micheli

Résumé

Cet ouvrage se propose de formuler une hypothèse originale concernant les rapports qui unissent l'argumentation et les émotions. Située au carrefour de la tradition rhétorique, de la théorie de l'argumentation et des sciences du langage contemporaines, la réflexion entend reprendre à nouveaux frais la question du pathos. L'idée est que l'on ne fait pas seulement appel aux émotions dans le but d'accroître l'efficacité d'une argumentation : les émotions peuvent, dans certains cas, en venir à constituer les objets mêmes de cette argumentation. La première partie du livre défend ainsi l'hypothèse que les émotions comportent une dimension argumentable et développe un modèle d'analyse propre à saisir cette dimension dans la matérialité des discours. La deuxième partie est consacrée à une étude des débats parlementaires sur l'abolition de la peine de mort qui ont marqué l'histoire de la France contemporaine (1791, 1848, 1908 et 1981). Comment les orateurs de chaque camp s'y prennent-ils pour justifier des émotions comme la peur, la pitié, l'indignation ou la honte ? Comment ces appels à l'émotion évoluent-ils au fil des débats ? L'ouvrage propose un parcours à travers deux siècles d'argumentation pour et contre la peine capitale : il s'arrête sur des prises de parole qui ont durablement marqué l'histoire de la rhétorique politique (celles de Robespierre, Jaurès, Hugo et Badinter notamment).

Auteur :
Micheli, Raphaël
Éditeur :
Paris, les Éd. du Cerf,
Collection :
Humanités
Genre :
Essai
Langue :
français.
Note :
Index
Mots-clés :
Nom commun :
Discours argumentatif | Émotions | Éloquence politique -- France -- Histoire | Peine de mort -- France -- Histoire
Description du livre original :
1 vol. (487 p.) ; 22 cm
ISBN :
9782204092456.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Remerciements
  • Introduction
  • Première partie. Argumentation et émotion. Rhétorique, théorie de l’argumentation et sciences du langage
    • 1. La conception rhétorique du « pathos »
      • I. Les grands traits de la conception rhétorique du « pathos »
        • «Pathos» et force de persuasion.
        • Retour sur la sémantique des termes grecs et latins.
        • « Pathos » et impact sur la cognition.
      • II. Un éclairage alternatif sur le « pathos»
        • Les antécédents cognitifs des émotions.
        • Le caractère « argumentable » des émotions.
        • Un «pathos» non persuasif ? Retour sur la notion de persuasion.
      • III. La question des techniques discursives
        • L’« inventio » et la notion fondamentale de topique de l’émotion.
        • La « dispositio ».
        • L’« elocutio ».
        • L’«actio».
    • 2. Les théories modernes de l’argumentation face aux émotions
      • I. Les appels à l’émotion et la fondation des études argumentatives modernes
        • Stephen Toulmin : un modèle de la cohérence argumentative.
        • Chaïm Perelman : une affiliation ambiguë à la rhétorique.
      • II. Les appels à l’émotion dans les modèles normatifs de l’argumentation
        • Les appels à l’émotion comme «moyens non argumentatifs ».
        • Une acceptation sous conditions.
          • Appels à l’émotion, «fallacies» et modèles normatifs de dialogue.
          • Appels à l’émotion et raisonnement pratique.
        • Bilan critique sur les modèles normatifs.
      • III. Les appels à l’émotion dans les modèles descriptifs de l’argumentation
        • Deux modèles généralisants qui n’intègrent pas les appels à l’émotion.
          • La théorie de l’argumentation dans la langue.
          • La théorie de la schématisation.
        • Émotion et argumentation dans un modèle « dialogal ».
          • Une idée essentielle: l’argumentabilité des émotions.
          • Extension du domaine de l’argumentation.
          • Changement de perspective par rapport aux modèles normatifs.
      • IV. Émotions et théories de l’argumentation : une synthèse critique
    • 3. Les émotions dans le discours et l’interaction
      • I. L’émotion éprouvée : une catégorie non pertinente
      • II. La diversité des matériaux sémiotiques de l’interaction
      • III. l’émotion exprimée
        • L’émotion dite.
        • L’émotion montrée.
        • Critique des catégories de l’« expression ».
          • Le présupposé psychologique.
          • Une perspective uniquement centrée sur le locuteur.
          • Limites de la catégorie d’« émotion montrée».
      • IV. l’émotion visée
        • Visée explicite et visée implicite.
        • De l’émotion visée à l’émotion argumentée.
      • V. Synthèse
    • 4. La construction argumentative des émotions : un modèle d’analyse
      • I. Une idée directrice : l’argumentabilité des émotions
        • Émotion : sens occurrent et sens dispositionnel.
        • Attribution directe et indirecte.
        • Les acteurs.
      • III. Evaluer l’émotion attribuée
      • IV. Légitimer l’émotion par le recours à une topique
        • La notion de topique.
        • Les paramètres topiques.
          • Critères d’évaluation des stimuli et paramètres topiques : du cognitif au rhétorique.
          • Principaux paramètres topiques.
  • Deuxième partie. Le « pathos » dans les débats parlementaires sur l’abolition de la peine de mort
    • 5. La constitution d’un corpus de débats parlementaires
      • I. Choix et délimitation du corpus
      • II. Le débat parlementaire: étude d’un genre de discours
        • Questions de généricité.
          • De la notion de «situation» à celle de contexte pertinent.
        • Les paramètres du genre.
          • Performance oratoire et compte-rendu écrit : la question du support.
          • Statut institutionnel des locuteurs.
          • Typologie des allocutaires.
          • Complexité des visées pragmatiques.
    • 6. Le débat de 1791
      • I. L’exécution comme spectacle: une première forme du pathos abolitionniste
        • Un cadrage particulier de la délibération.
          • «Humanité» : les équivoques d’une notion.
          • Légitimité et efficacité : une hiérarchie des critères de délibération.
        • La topique du spectacle de l’exécution.
          • Le patient.
          • L’agent.
          • Le spectateur.
          • L’anticipation des effets.
      • II. Une forme alternative: la construction de l’indignation
        • Un cadrage divergent.
        • « Plus faible qu’un enfant devant un homme fait » : l’indignation chez Robespierre.
          • Deux espaces de normes.
          • L’usage de l’analogie.
        • Synthèse sur les discours abolitionnistes.
      • III. Le «pathos» dans les discours anti- abolitionnistes
        • Un cadrage particulier.
          • Une dissociation de la notion d’« humanité ».
          • Raison et sensibilité : émergence de V« ethos » anti-abolitionniste.
        • La construction de la peur dans les discours anti-abolitionnistes.
    • 7. Le débat de 1848
      • I. Le «pathos» abolitionniste de 1848
        • Placer la « question du droit » au premier plan : le cadrage de la délibération.
        • « La loi épouvante la conscience » : une topique de l’émotion.
          • Les attributions d’émotion.
          • Le patient.
          • L’agent de la sanction.
          • Synthèse : usurpation d’un droit divin et atteinte à une «créature».
      • II. «N’est-ce donc rien que la sécurité de tous? » : le « pathos » anti-abolitionniste
        • Reconnaître la topique adverse et concéder l’émotion.
        • Opposer une contre-topique.
        • De 1791 à 1848 : une stabilisation du « pathos » et de l’« ethos » anti-abolitionnistes.
      • III. Les usages rhétoriques des «sentiments du peuple»
        • Le peuple et son «grand cœur» dans les discours abolitionnistes.
        • «Paris tout entier profondément ému... » : les discours anti-abolitionnistes.
        • La construction de la /honte/ et la figure du peuple comme «tiers honnisseur».
    • 8. Le débat de 1908
      • I. « Pour les victimes » : le «pathos» anti-abolitionniste de 1908
        • La construction argumentative de la pitié.
          • La comparaison et la hiérarchisation des deux types de pitié.
          • L’illustration par le biais du récit.
          • La conclusion: une injonction d’émotion.
        • Versions de la sensibilité et construction d’un « ethos » de groupe.
      • II. L’indignation «éclairée» : un nouveau visage du « pathos » abolitionniste
        • La requalification des coupables en êtres souffrants.
          • «Misérables», «malheureux», «déshérités» et « victimes » : étude de quelques expressions catégorisantes.
          • Les extensions du groupe nominal et le rôle des participes passés.
        • L’assignation causale des souffrances.
          • Qui est responsable? Le problème de la désignation de l’agent.
          • Prédicats d’action et types de responsabilité.
          • «De quel droit... ? » : le «locus» de l’indignation.
    • 9. Le débat de 1981
      • I. Le « pathos » dans les discours anti-abolitionnistes
        • Désamorcer le pathos adverse : l’opération de recadrage.
        • «Pathos» contre «pathos».
        • « Mon cœur va vers les victimes » : la justification d’une préférence affective.
        • «Je ressens la peine des victimes, mais... » : une séquence argumentative récurrente.
          • La reconnaissance initiale d’une disposition affective.
          • Du niveau individuel au niveau supra-individuel : une rupture de l’analogie.
          • L’établissement d’une norme de justice.
        • Les rares mises en scène de l’exécution.
          • Entre témoignage et projection: les évocations de la guillotine.
          • Le «pathos» de l’exécution comme «grand absent» du corpus.
      • III. Abolitionnistes et anti-abolitionnistes face à la honte et la culpabilité
        • « Le dernier pays d’Europe assujetti à l’échafaud » : la honte dans les discours abolitionnistes.
        • « C’est vous, c’est moi qui aurons commis ce crime » : la honte et la culpabilité dans les discours anti-abolitionnistes.
  • Conclusion
    • I. La construction argumentative des émotions
      • (1) Un réexamen du concept rhétorique de pathos et une mise en cause de la dichotomie pathos-logos.
      • (2) Une contribution à l’histoire et à l’épistémologie des études argumentatives modernes, ainsi qu’une formulation alternative des liens entre l’émotion et l’argumentation.
      • (3) Un parcours critique à travers les catégories d’analyse et une proposition de modèle.
    • II. Un point de vue synoptique sur les discours abolitionnistes et anti-abolitionnistes

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