Des mots sur des maux Marie Justin

Résumé

Imaginez un long couloir sur lequel s'ouvre des portes donnant chacune sur un univers différent... Il n'existe plus ni bien ni mal, mais uniquement l'émotion à l'état pur...Les rêves se transforment en cauchemars, les cauchemars se transforment en féérie peuplée de créatures extraordinaires...

Auteur :
Justin, Marie
Éditeur :
Paris, Marie Justin,
Collection :
Le Sang des Muzykaries
Genre :
Poésie
Langue :
français.
Description du livre original :
1 vol. (183 p.)
ISBN :
9781980850939.
Domaine public :
Non
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Table des matières

    • Marie Justin
      • Des mots sur des maux
      • Ce recueil est dédié à M. A,
      • C’est pour toi que j’ai repris cet ouvrage perdu dans le passé.
      • Tu as été le Soleil qui a réchauffé mes nuits solitaires.
      • Jamais je ne t’oublierai...
  • Note de l’Auteur
    • Ce recueil a été écrit en 2004. Je me remettais tout juste d’un échec cuisant. Mon entrée à l’école de kinésithérapie de Limoges.
      • L’écriture a toujours eu un grand pouvoir de guérison. Coucher mes errances, mes souffrances et mes rêves sur le clavier, est devenue indispensable au fil des ans. C’est également un moyen efficace pour exorciser les démons du passé.
      • Bien entendu, j’ai retravaillé ces textes. En les relisant avec attention, j’ai pris conscience de mon évolution.
      • Ces Nouvelles méritent, à mon sens, d’être extirper du tiroir où elles sommeillaient. Elles ont été source de plaisir et de remise en question.
      • A présent, je vous livre mes pensées les plus intimes. Vous pourrez m’accompagner dans mes songes, mais également dans mes cauchemars.
      • Attention, si vous décidez d’ouvrir cette porte, il est probable que vous ne puissiez plus jamais faire demi-tour !
      • Êtes-vous prêts à franchir le seuil ?
  • Gâteau De Vie
    • dès notre arrivée dans ce Monde, Monsieur Grand Destin fait son apparition. roulement de tambour, et clochettes tintantes... Un sourire de vendeur de voitures plaqué sur les lèvres, il pousse son chariot. Vêtue d’une belle livrée dorée, il jette un œil distrait à ses notes. Il replie son vieux parchemin élimé. Il se gratte le menton, fait mine de réfléchir. Une lueur malicieuse au fond de ses pupilles argentées, il choisit un dessert.
      • Innocents, nous flottons quelques instants, dans la béatitude de la petite enfance. Mais très rapidement, la réalité surgit à l’horizon. Le ciel bleu s’assombrit. De gros nuages noirs avalent le paysage. Ce fabuleux gâteau, sélectionné par Monsieur Destin en personne, a rarement le gout espéré.
      • Le gâteau a pourtant belle allure, au premier coup d’œil. Regardez-moi ce joli glaçage, et cette chantilly !
      • Vite, vite apportez donc un couteau ! J’ai tellement envie d’y planter mes crocs... j’en salive d’avance...
      • Les saveurs sucrées sont illusoires. La crème abandonne son amertume sur notre palais. La déception remplace, bien souvent, l’effervescence de la mise en bouche. elle imprègne nos cœurs d’une substance acide. La frustration empoisonne chaque met, chaque boisson.
      • les jours passent. L’enfance s’éloigne rapidement. De nouveaux enjeux, de nouveaux gâteaux, supplantent l’insouciance. Le type au sourire enjôleur, a filé vite fait bien fait. Désormais, l’adulte en nous, doit faire face. Terminé les dérobades. Le moment est venue : il est temps de grandir. D’agripper nos responsabilités à bras-le-corps, et d’affronter les épreuves de la vie.
      • oh mais qui vois-je ? Mademoiselle Chance cogne enfin à ma porte ! Et elle tient sous son bras dodu, un ravissant paquet. La boite a également un beau ruban de soie rouge... mes yeux pétillent, je sautille comme une enfant. Destin observe la scène du coin de son œil torve. Il fait la moue, désaprobateur. Je lui tire la langue, et m’empare de mon présent.
      • Pas question de rater la fête !
      • Je déballe, fébrile et excitée, le précieux paquet. Sur un lit de génoise au chocolat, se love la chantilly et les cerises... je ferme les yeux, savoure mon dessert.
      • Après toutes mes vilaines déprimes, après toutes mes affreuses ruptures, je le mérite.
      • Le biscuit est moelleux à souhait. La crème battue divine... je balaye les objections de ma conscience d’un revers de main. Peu importe les kilos... peu importe la crise de foie...
      • Je me gave, tant qu’il y en a.
      • Les souvenirs affluent subitement à ma mémoire. Ils me submergent.
      • J’ai de nouveau six ans. J’avance, pieds nus, sur le ponton de bois. L’eau floque-floque sous le plancher vermoulu. le ciel est limpide. Un bateau tangue mollement sur les flots tranquilles. Une mouette lance son cri perçant, au-dessus des dunes de sable blanc. Je me retourne. Ma mère est là, assise sur une longue serviette rose. Elle fronce les sourcils, en agitant les mains. Elle crie, m’interpelle. Je l’ignore. Mes petits pieds courent droit vers l’eau turquoise. Je prends mon élan, et saute...
      • Une seconde bouchée. Je rembobine le film...
      • J’ai douze ans. Le garçon de mes rêves est là. Il plonge ses immenses iris bleu dans les miens. Un frisson délicieux parcours ma colonne vertébrale. La musique est langoureuse. La boule à facettes clignote sur le plafond. Des milliers de gouttes arc-en-ciel, tombent sur nos visages. Le garçon se penche vers
      • moi. Ses lèvres effleurent les miennes... il m’embrasse...
      • Une cuillère de chantilly, et j’ai 20 ans.
      • Mon entre s’arrondi jour après jour. La vie me gonfle comme une montgolfière. Les jours de pluie disparaissent, emportés par le vent. Je caresse ses petits pieds, ses menottes parfaites. Mon garçon sent bon le lait chaud et les croissants...
      • La crème fond dans ma bouche... J’ai quarante-quatre ans...
      • Une voix sensuelle dans le combiné. Un petit appartement perdu entre deux gorges escarpées. Des grillons dans un champ de lavande, des lacs aux eaux émeraudes... Un corps brûlant de désir contre le mien... des gémissements de plaisirs le parfum enivrant de l’amour retrouvé. Je flotte au-dessus du Monde...
      • mon gâteau est terminé...
      • Le tonnerre gronde au-dehors. De gigantesques éclairs zèbrent le ciel. Je me pétrifie de terreur et d’angoisse. Les lèvres de Monsieur Destiné s’étirent en un sourire ironique. Pas besoin de lire dans ses pensées. Il agite un doigt moqueur.
      • « Ainsi, ricane-t-il, tu croyais m’échapper ? Vilaine prétentieuse... vilaine orgueilleuse... »
      • Mes dents se plantent dans la mauvaise part. Je grimace, la nausée au bord des lèvres. Un gout de bile remonte le long de mon oesophage. Je déglutie péniblement. Enragée, je l’insulte, le menace. Il glousse de plus belle. Il aura donc toujours le dernier mot ?
      • La génoise est infecte ! Elle est imbibée de sel. Elle s’est gorgée de tous mes sanglots.
      • La vieille malle, dans laquelle j’avais enfermé mes vieux démons, menace de s’ouvrir. Des chuchotements me parviennent du grenier. Le couvercle s’ouvre en grinçant. Les volets claquent. Une pluie battante fouette les vitres. Je grelotte. Le feu s’éteint dans la cheminée, soufflé par une brise glacée.
      • Des pas lourds résonnent au-dessus de ma tête. Des pieds munis de sabots, dégringolent l’escalier. les monstres surgissent sur le pallier, en brandissant des lambeaux de souvenirs pénibles.
      • Les ténèbres envahissent la maison.
      • Le temps me happe, et m’entraine dans le passé...
      • J’ai 21 ans. Il lève la main, et me gifle violemment. Les larmes dégringolent le long de mon cou. Je décroche mes robes de la penderie. Je jette, pêle-mêle, mes vêtements dans un carton. La vaisselle vole à travers la pièce. Des hurlements...
      • Les aiguilles tournent sur le cadran ébréché. J’ai 36 ans. Le grand lit est vide. Je serre les poings sur ma bouche pour étouffer mes sanglots. Mon amour est une illusion. Je voulais un autre enfant, et il refuse...
      • Je suffoque, les mains sur la poitrine. Je crache, je vomie. Le gâteau reste coincé dans ma bouche.
      • De l’autre coté du salon, Monsieur « je n’éprouve aucun sentiments de compassion » examine ses ongles avec minutie. Monsieur «’Destin de malheur » esquisse un soupir exaspéré. Il balaie une miette imaginaire sur sa livrée d’or. Il lève les yeux et désigne le gâteau.
      • Il exige, il ordonne.
      • Résignée, vidée de mes forces, je porte une bouchée à mes lèvres... .
      • Un froid pénétrant s’infiltre sous ma peau. J’ai 18 ans. La nuit avale les rues, les unes après les autres. La Tour Eiffel allume ses lumières. Les prédateurs guettent dans les ténèbres. Je cache mes cheveux sous un châle... Je suis allongée sur un banc. Je dors dans la rue... La terreur englue mes membres...
      • Je regarde avec désespoir, le plat. Il y a tant de morceaux encore...
      • Sans un mot, sans une protestation, je les avale une par une.
      • Et le tourbillon continue...
      • les parts se présentent dans un désordre chaotique...
      • Atterrés, ou pris de vertige, nous observons le gâteau.
      • Peu importe que le plat soit en argent, en verre en aluminum, ou en plastique. Il se videra trop vite, ou bien trop lentement. Les mauvais jours, s’entassent dans le passé, comme des assiettes sales au fond d’un évier. Inutile de grimacer, de gesticuler, la pâtisserie doit être gobé.
      • Pourtant, l’existence nous fait parfois de doux présents. Nos yeux s’écarquillent de stupeur. Nos papilles se réveillent de leur coma. Notre cœur se dilate. Notre sang se réchauffe nos veines. Nous resurgissons à la lumière !
      • Le gâteau fond, avec délice, sur le palais. Les sens en alerte, nous observons le Monde avec un regard nouveau. Les odeurs semblent plus capiteuses, les couleurs plus vives! Nous devenons oiseau, déployant nos ailes pour planer sur le vent chaud !
      • Les ans succèdent aux ans. À chaque jour sa surprise bonne ou mauvaise. Trop courts pour le bonheur, interminables pour le chagrin. De toute évidence, Monsieur Destiné, a effectué une mauvaise distribution des cartes.
      • Les plus chanceux, ont le privilège de manger avec ‘d’autres convives. Cependant, chacun se doit de garder son propre gâteau. Les mécontents n’obtiendront pas satisfaction. Impossible d’échanger ni d’être rembourser !
      • les ripailleurs n’ont pas la permission de dévorer la part du voisin. Les ascètes quant à eux, n’ont pas l’autorisation de jeuner !
      • Entre les miettes coincées dans le gosier, et les mets trop riches, il faut compter sur les fadasses. Des instants immobiles, suspendus au-dessus du vide. Dégageants des fragrances nauséabondes d’’attentes interminables. Des mains agrippées au plat vacants. Des visages grimaçants de dépit.
      • Personne, en vérité, n’est épargné. Beaux ou moches, radins ou généreux, riches ou pauvres, cela n’a aucune importance. Face à là Monsieur Destinée, nous sommes tous égaux !
      • Certains évènements tragiques nous enseignent la tolérance et la générosité. Ils nous obligent à réfléchir sur nos actions. Nous apprennent la bienveillance envers autrui, et surtout envers nous-même. ,
      • Il se peut, également, que les épreuves de la vie, nous rapprochent les uns des autres, ou nous unissent pour toujours...
  • Un souffle de sel
    • Les mains agrippées à la barre, je défie la Tempête. Des nuages noirs s’amoncèlent sur l’horizon. Les étoiles s’éteignent sur la voûte céleste. La nuit ouvre sa gueule monumentale, désireuse de nous avaler, mon navire et moi. Soudain, des éclairs aveuglants déchirent le ciel. Seule dans la passerelle, je tremble de tous mes membres. transite de froid, je scrute les profondeurs. Je ne distingue plus rien. Je navigue à l’aveugle. Les Rugissants hurlent et frappent ma coque. les planches gémissent douloureusement. Les heures s’écoulent, interminables. Une odeur de métal chauffé à blanc, emplit mes narines. l’Enfer a ouvert ses portes, laissant échapper ses créatures diaboliques. Mes cheveux entremêlés s’enroulent sur mon visage, me masquant la vue. Je mords mes joues. Le sang coule dans ma bouche. Son gout métallique inonde mon palais. Je suffoque de terreur. Les éléments se ruent sur le pont. La bourrasque féroce, est animée par l’unique désir de me broyer entre ses crocs. Je devrais me soumettre, m’incliner devant sa suprématie. Je serre les dents, refusant de plier sous le joug de cette maîtresse intraitable. Je balaie les plaintes hystériques de ma raison. Mon insoumission attire les foudres destructrices des Dieux.
      • des vagues gigantesques noient le pont. Le grand mât tangue dangereusement, prêt à rompre sous l’assaut. Les déferlantes secouent le bateau, comme des fillettes avec un jouet. Sadiques et avides, elles se délectent de mon effrois. Elles s’acharnent à torturer mon Âme. Je lutte encore. Mes forces ne m’ont pas encore abandonnées. Un filet de lumière vacillante, réchauffe mes espoirs. Le vent de la révolte fouette mon corps amaigrit. Un regain d’énergie circule dans mes veines. Je m’y agrippe de toutes mes forces. L’orgueil gonfle mes poumons. Je lève le poing serré, en signe de défis. Solide comme un roc, j’étreins, de toute ma rage, la proue. Je maintiens mon cap.
      • J’aperçois, dans le lointain, les yeux écarlates de la tourmente. Mon audace décuple sa colère. Les rugissants embrasent le ciel. L’incendie flamboyant dévore la nuit d’encre. Mon navire se contorsionne, espérant se soustraire à ses rafales violentes. la houle noirâtre englue ma nef. Mon courage s’effiloche, tel un morceau de tissus découpé au couteau. Je l’entends se déchirer avec une lenteur sadique. Une brumes empoisse mes pensées. Elles gigotent désespérément sous mon crâne. Elles ne parviennent plus à se fixer.
      • Je m’obstine pourtant, à voguer sur ces flots. Je guette, avec angoisse, ces territoires inconnus. les légendes parlent toutes de ces Monstres bleus aux yeux étincelants de haine. Depuis l’aube de l’humanité, ils errent dans les fonds marins à la recherche de victimes. accompagnants les ouragans, ils pourchassent les bâtiments égarés. Les Sirènes aux voix ensorceleuses, attirent les voyageurs avides de trésors perdus. Au crépuscule, elles susurrent des histoires mélancoliques au creux de l’oreiller. Les pauvres Âmes, éperdues d’amour, s’abandonnent à ces caresses envoutantes. Abandonnants leurs corps, ils suivent les belles jusqu’aux Fosses océanique.
      • Un long frisson glacé dégringole le long de ma colonne vertébrale, à cette évocation. je déglutie avec peine, le regard fixé sur l’écume.
      • Autrefois, j’ai débarqué, sac sur l’épaule, sur des ports étrangers. Au premier abords, ces lieux me paraissaient hospitaliers. Mais, posé en équilibre précaire, aux flanc de terre je m’ennuyais. Le cœur emprisonné, j’étais comme un oiseau en cage. Les odeurs, les bruits ambiants, me donnaient la nausées. Je déambulais dans des ruelles étroites, sous un ciel perpétuellement obstrué. De longs bâtiments de pierres grisâtres, masquaient le soleil. Les hommes et les femmes, me semblaient toujours plus insipides les uns que les autres. néanmoins, je décidais de pénétrer dans ces pubs bruyants et joyeux. Accrochés aux trottoirs jonchés d’immondices, ils rivalisaient de couleurs vives. La salle comble, baignait dans une fumée épaisse. Des fumets de viandes en sauce, embaumaient l’air confiné. Des rires gras, des exclamations grivoises, jaillissaient de toutes parts. Des musiciens, aux tenues bariolées, jouaient sur une petite estrade. Les clients trinquaient et buvaient dans de grosse pintes de bières. Je me laissais happer par ce mouvement enivrant. L’esprit embrumé, et le désir au ventre, je suivais parfois un amant de passage. Sous ses caresses et ses baisers brûlants, je parvenais presque à oublier ma Quête. Au petit jour, je quittais la chambre sans un remord. Je préférais conserver une image romantique de mon galant d’un soir.
      • mais je me lassais bien vite. Je remarquais les esprits étriqués, et les désirs absurdes. Tous ces citadins se bousculaient, se précipitaient vers une mort certaine, sans gouter aux délices simples de l’existence. La peur de l’inconnu les maintenait, en permanence, dans un étrange état de fébrilité. Je perçais, trop vite, ces hésitations, ces tâtonnements maladroits, pour dompter la vie. Je m’éveillais, le cœur battant chamade et le corps ruisselant de sueur, gagné à mon tour,par cette crainte du lendemain.
      • Finalement, vaincu par mon désir de liberté, je remontais à mon bord. Je larguais les amarres, résigné. Mon regard s’égarait sur ces habitations minuscules et sales s’alignants sur les rives. Elles se blottissaient frileusement, collées une contre les autres. La gorge nouée par l’émotion, je demeurais tiraillé. Avais-je pris la bonne décision, en quittant la chaleur réconfortante d’une proximité humaine ? Une fois seule dans la timonerie, les doutes m’assaillaient. Vivre sans entrave est un combat de tous les instants. Mais créer des liens affectifs me terrorisais. Offrir mon Âme et mon cœur à un homme me paraissait si incensée !
      • Ma décision prise, je tournais le dos à mes semblables. Le navire prenait de la vitesse, taquinant les éléments. Je grimpais le long du mât, et grisé par les embruns, je laissais libre court à mon exaltation. je contemplais extatique, la beauté de l’océan. Ces nuances de vert le plus sombre, au bleu le plus pur. Je m’extasiais lorsque le disque solaire tombait dans ces bras salés. Des dauphins aux rires joyeux, suivaient ma progression. Ils évoluaient en sautants au-dessus des vagues moussues. La présence de ces grands cétacés emplissait mon Âme d’émerveillement. J’applaudissais leurs agilité, et leur intelligence. Ils me répondaient par de longs sifflements aigües. Le voyage était grisant.
      • Pourtant, ma joie fût de courte durée...
      • Le temps passant, le poids de la solitude commença à me peser. sur ce navire, aux voiles toutes tendues de désir, une étrange souffrance s’inflitre dans mes veines. Tel un poison vénéneux, elle paralyse mes petits bonheurs. Le soir, une tasse de thé brûlant entre les mains, j’écoute souffler le vent. Il gémit sourdement le long des planches. Une étrange mélancolie me rattrape.
      • Une peur sourde et aveugle alourdie mes membres. Ses tentacules gluantes entourent mon cou. Elle m’étranglent lentement. . Elle approche son énorme bouche avide et gigantesque, pour avaler, une à une toutes mes joies, toutes mes humeurs.
      • croyant pouvoir fuir dans le sommeil, je me couche de plus en plus tôt. A mon grand désarrois, mes rêveries se terminent par d’épouvantables cauchemars. D’affreux vampires assoiffés de sang tourmentes mes nuits. Je m’abandonne sans plus de force. Les dents et le cœur serrés. Prise de panique, j’allume ma lampe à pétrole. La flamme vacillante, éloigne provisoirement mes Démons. Je repousse les couvertures, et fais les cent pas. J’invoque d’anciens souvenirs, afin de chasser ces empêcheurs de dormir. Des visages familiers dansent devant moi. Leurs sourires chaleureux apaisent un peu mes nerfs à vif. Mais emprisonnée dans un remugle de grincements de poulies, de claquement de voiles, de grincements de bois, je sombre peu à peu dans la terreur. Je fais pleurer les cordes de ma guitare, pour couvrir le brouhaha incessant de mes idées noires. Dans ces instants-là, la nuit devient interminable. Les secondes se transforment en heures, et le tic-tac de la pendule, semble se gausser de mon imagination morbide. Abattue, vidée de mes forces, je finis par m’écrouler sur ma couche, ivre de fatigue.
      • Je déroule souvent mes longues voiles blafardes, sans savoir où le vent me conduira. Car c’est lui, à n’en pas douter, qui décide de ma destination. Assise sur la proue, le regard vide, je m’enivre. Le vin a un affreux gout rance, mais cela m’est égal. Seule compte l’ivresse. Je titube, insultant et vociférant après ce Monde injuste. Ma Quête me porte toujours plus loin. Me conduira-t-elle jusqu’à l’Antre de la Folie ?
      • La bourrasque cruelle, ricane sans discontinuer. Elle bafou mes silences. Elle glousse en s’engouffrant dans mes songes. Tourn en dérision chacun de mes tourments, chacun de mes questionnements. Elle siffle nuit après nuit, jour après jour. elle Ne me laisse plus aucun répit. Le soir, ce satané Vent, gratte lebattant de ma porte de chambre à coucher. Il rampe en silence tel un serpent à mes côtés. il se love sur mon flancs. Ill aime souffler sur ma chandelle. Je ne l’éteinds plus, souhaitant ainsi éloigner les ombres maléfiques. Il chuchote à mon oreille, ces fameuses Légendes effrayantes. Mes doux rêves finissent par s’envoler en poussant des cris. Ils s’égaillent, comme des oiseaux prit de terreur. La bourrasque, son œuvre accomplit, s’en retourne en riant. Le visage enfuie sous les draps humides de sueurs froides, je demeurre pétrifiée d’angoisse.
      • Un soir de beuverie, particulièrement arrosé, je me suis confié aux éléments. J’ai hurlée, comme une démente, en les injuriant du couchant au levant. L’hiver était là. Le vent mordait la peau de mes joues sur le bastingage. C’était un de ces matins de fin du monde. Mes mains collaient sur le bois. Mon Esprit s’égarait dans d’autre frontière. Croyant me réchauffer, j’avais bien trop abusé de la boisson.
      • Grimpant sur le point le plus haut, j’ai hurlé à pleins poumons. Je désirais libérer ma rage, ma frustration et mon chagrin. Je désirais simplement abandonner aux vagues le sac de cailloux, me cisaillant le dos.
      • Sur l’instant, un sentiment de bien-être m’a envahit. Le bruit de ces pierres, tombants une à une dans les eaux verdâtres, était si doux à mes oreilles !
      • Comme j’étais naïve alors !
      • Dès lors, les Autans ne cessent de me tourmenter. Ils se gaussent de mes afflictions.
      • Où vas-tu mener mon navire cette fois-ci, Bourrasque de malheur ?
      • Décideras-tu de m’envoyer aux Diables des Mers ?
      • Sur quel rivage échoueras-tu ma nef ?
      • M’obligeras-tu à faire escale sur l’une de ces îles au sable noir, grouillant de cannibales assoiffés de chair fraîche ?
      • M’accorderas-tu enfin le répit nécessaire pourravitailler mes cales vides ?
      • Comme je me languis de ces ports lointains débordant de promesses exotiques. Je n’ose plus quitter ma chambre. Les brumes de l’alcool ne suffisent plus à dissiper mes errances spirituelles. J’ai oublié l’objet de ma Quête... mais ne s’agissait-il pas plutôt d’une fuite ? La réponse est plus terrifiante que les Monstres marins. Elles me plongent dans des ténèbres insondables. Je tombe dans un puit sans fond, et la solitude est ma seule compagne. Je sanglote, la bouche étouffée par mon oreiller. Je laisse libre court à mes larmes amères. Elles ne m’apportent aucun réconfort, aucune délivrance. Elles déchirent ma poitrine et broient mes ultimes espérances.
      • Les planches craquent et gémissent sous la caresse brutale de la brise. Ce soir encore, les Démons éteindront ma chandelle. Ils prendront plaisir à me jeter dans l’obscurité tant redouter. Les yeux écarquillés, les sens en alerte. Je vais épier chaque plainte de planches. Le moindre mouvement des ombres rampants le long des murs…
      • L’effrois me glace déjà les sangs à cette simple évocation. Mes dents et mes genoux claquent de terreur. Comme une enfant, je me cacherai sous les couvertures. J’invoquerai les Dieux Célestes. Peut-être accepteront-ils de faire lever le point du jour plus tôt ?
      • A présent, le ciel se teinte de mauve et d’écarlate. La Mer se creuse de rouleaux. Le pont est plongé dans les ténèbres de la nuit. Les étoiles illuminent le firmament. Mais nul lumière n’éclairent mon chemin. Une profonde nostalgie emplit brusquement mon âme torturée. Où sont passées ces voyages aux merveilleuses promesses ? Là-bas, de l’autre côté du Monde, il existe des Paradis. De longues dunes blanches s’étendent à perte de vue. Des palmiers abritent des cahute de bambous. L’Aube embaume les fleurs sauvages, les fruits mûrs, et l’eau cristalline des cascade. Des poissons grillent entre des feuilles de bananiers. Le Soleil caresse doucement les corps alanguis de chaleur. Le regard et l’Esprit, s’égarent, en toute quiétude, vers l’horizon. La grève murmure tendrement, bercée par le chant immuable de l’écume. Les alizés rafraichissent la peau grésillante.
      • Autrefois, avant mes égarements maritimes, mes croyances me guidaient. J’aspirai à cueillir embrassades et sourire. Mon ardeur et ma foie, orientaient ma flotte. J’avoue ma crédulité de novice. Mon cœur battait à tout rompre, à la simple mention d’un Grand Amour.
      • Comme s’il suffisait de grimper sur cette coque, de dérouler le foc, pour obtenir l’assentiment des Dieux !
      • Les paupières closes, je formulais mes souhaits à voix basse. Les mains jointes, et les genoux à terre, je déposais mes aspirations devant l’autel des Sages. Aucune de mes Prières, pourtant,n’a été exaucées. Sur ma route, et à mon grand désespoir, je croisais uniquement des Pirates avides de dérober mes secrets! Ces brigants des Mers convoitaient uniquement ma vertus. Ils espéraient me posséder comme on possède un beau tableau. Mais je refusais de me laisser capturer. Certains, n’ont pas hésité à lacérer mon âme. Nul remords, nuls pitié n’anime leurs conscience.
      • Apparaissants sous différents visages, empruntants milles stratagèmes afin de me piéger dans leurs filets.
      • J’ai donc fuie, m’enchaînant à jamais à cet océan maudit !
      • Condamnée à un voyage sans retour, mes silences se perdent dans ces eaux tumultueuses. Elle noie mon cœur et mon espoir...
      • aujourd’hui, mes cales sont creusent. Les fantasmes nourrissaient ma couche. Ils ont désertés les lieux depuis belle lurette !
      • Les rêveries délicieuses, ont cédées la place à des combats mortels. Des monstres, le sabre à la main, tentent de me décapiter.
      • Les îlots paradisiaques, ont été engloutis sous un raz de marées noirs. Les plages de sables blanc, grouillent de cannibales. L’intérieur des terres est humides de marécage infestés de crocodiles.
      • j’ai jeté à la Mer, gouvernail et boussole. Mon Destin est entre les mains glacées du Temps. Depuis combien de jours me trimballe-t-il ainsi ?
      • Où se trouve le rivage ?
      • La brume tombe sur mes yeux. Le ciel et la Mer se confondent en une masse grisâtre. Le Soleil et la Lune s’effacent dans les ténèbres. Une nouvelle Tempête se prépare...
      • Le vent s’est transformé en cyclone...
      • A qui pourrai-je confier mes tourments ?
      • La Dame de Sel a bue mes ultimes forces. Ici, secouée par les bourrasques, ma mémoire s’égare. Depuis combien d’ans n’ai-je pas respire le parfum d’une fleur ?
      • Entre les grincements des poulies et les claquements de voiles, j’ai oublié le chant des oiseaux.
      • Le Vent ricane. Il m’a eu à l’usure. Je suis punie pour mon audace, mon égoïsme, et mon orgueil. D’une bourrasque brutale, il les a balayé dans les flots. J’ai précipité ma propre destiné dans cet enfer. Ma soif de richesses a perdue son attrait.
      • La fin est proche. J’attends l’heure de mon jugement...
      • La Lune est pleine. Ses rayons baignent le pont d’une lueur argenté. La brise s’est interrompue, retenant son souffle. Des Démons cornus aux sabots noirs, et aux regards flamboyants, dansent maintenant sur le pont. Mon cœur cesse de battre dans ma poitrine. Mon sang se fige dans mes veines. Je demeurre pétrifié par l’horreur. Pourtant, je ne cherche plus a fuir.
      • L’un d’entre eux, extirpe un tambour d’un sac sanguinolent. Il me fixe de son regard incandescent. Un rictus féroce, soulève ses babines. Sous la pâle luminosité de l’astre nocturne, j’aperçois ses crocs pointues.
      • Mes os s’entrechoquent. Une terreur mêlée de fascination, paralyse chacun de mes membres. Mon souffle s’accélère, les palpitations de mon cœur s’emballent à présent. Certains, tout aussi laids et effrayants, s’enivrent de vin. Ils ont roulés le dernier tonneau sur la proue, et trinquent à leur prochain festin. D’autre encore, fument tous mes cigares en ricanants de satisfaction.
      • Retrouvant enfin un regain de courage, je me précipite dans la coursive. Une fois dans ma cabine, je rabat précipitemment le verrou. Mes mains tremble, mes jambes vacillent.
      • La lampe distribue une lumière ténue. Les ombres semblent gigantesques dans cet espace clos. Des grincements me parviennent du dessus. Les Démons profitent de leur soirée. Ils ont décidés de faire prolonger le plaisir jusqu’à son paroxysme...
      • Le corps ruisselant de sueur, je fixe la porte les yeux écarquillé de crainte. j’utilise mes dernières ressources, pour me trainer jusqu’à ma couche. Je me recroqueville dans le fond de mon lit froid.
      • et j’attend...
      • le lever du jour me trouvera, sans aucun doute, écartelée, suintant de milles plaies. Les Diablotins vont dévorer ma pauvre carcasse désarticulée. Ils rongeront ma chair jusqu’au os. Le feu terminera la besogne. Il réduira en cendres l’intégralité de mon errance sans but. Les flammes lècheront, avidement, chaque planches, chaque recoins de cette maudite coquille. L’océan aura enfin son festin !
      • Je ferme les paupières. Ma gorge se noue. Je manque m’étouffer de panique. des images terribles assaillent mon esprit. Le sang issue du carnage, ruisselant sur le plancher de ma chambre.
      • Mon poing serré s’écrase sur ma bouche, pour étouffer mon hurlements.
      • Qui mettra fin à mes affres ?
      • Déjà les piétinements des Bêtes infernales, résonnent dans la coursive. Ils se hâtent pour la curée.
      • Qui se souviendra de moi, lorsqu’ils auront fait ripaille de mon corps et de mon âme ?
      • Ils m’attacheront, face aux éléments. Le craquement de mon squelette, se répercutera sur les vagues verdâtres. Ils suceront ma moelle en ricanant, à gorge déployé. J’aurais beau hurler de douleurs, me débattre, avec l’énergie du désespoir, je ne pourrai leur échapper.
      • Je dresse l’oreille. A présent, ils se jettent sur le battant en grognants, comme des chiens poursuivant une proie. Le bois tremble sur ses gonds. Ils salivent déjà, je le sais, à l’idée du futur festin.
      • Les Dieux daigneront-ils abaisser leurs regards de pierres sur mon pauvre cadavre sanguinolent ?
      • Accorderont-ils une place à mon âme tourmentée ?
      • La porte vole en éclats. Mes hurlements s’entremêlent aux rugissements de victoire des Créatures infernales. Le monde bascule dans des ténèbres sans fond. Ils m’extirpent hors de ma couche, en me tirant par les cheveux. Je tente d’échapper à ses poignes de fer, mais mes ruades sont vaines. Ils sont trop nombreux.
      • Une odeur infecte de viande en putréfaction, emplit mes narines. Ma gorge étouffe de vomissements d’épouvante.
      • L’aube, indifférente, tire le rideau de la Nuit, dévoilant le spectacle macabre. De mon pauvre corps, il ne reste que des morceaux éparpillés. Le feu crépite sur les planches. Les Monstres nés du chaos, s’empiffrent de mes restes. Le ciel se teinte de mauve et d’or, promesse d’une belle journée. Des mouettes hurlantes, prouvent la proximité de la terre. Le vent rabat les voiles, attise les flammes. Elles lèchent, d’une langue gourmande, ces lieux qui furent ma dernière demeure. Une fumée noire s’élève en ligne droite jusqu’au nuages cotonneux.
      • Indifférente, mon Âme a quitté ses lieux sanglants. Toutes mes rêveries n’ont plus aucune importance. Tous mes sanglots ont coulés le long de la coque. Ils se entrelacent les algues. A présent, je flotte librement. Je deviens la vague heurtant la grève. Je vole, petitgrain de sable sur la Dune. Je suis le cri de la mouette...
      • Je suis un souffle de sel...
  • La femme de la rue
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      • Allongée sur mon lit de fortune, je reste immobile. Les sens en alerte, je guette la nuit. Les membres engourdis de fatigue, je repousse pourtant le sommeil. Il est, en ces heures sombres, source de danger. Malgré un profond désir de m’offrir aux doux coton de l’oublie, mes nerfs tendus refuse de céder. Les lampadaires parisiens éclairent les rives de la Seine. Des bateaux mouches tanguent langoureusement sur les eaux paisibles. J’observe, avec envie, les derniers touristes accoudés au bastingage. Je distingue, par intermittence, des visages aux sourires béats. Je serre les dents. Avant j’étais comme eux : insouciante et persuadée de la sûreté de ce Monde. je lutte contre l’engourdissement de la peur. Ces visiteurs noctambules, m’offraient une relative sécurité. Désormais je suis seule. quelques voitures passent sur le boulevard. Elles circulent pourtant sans me voir. Je m’agrippe à mon banc. Si un flic passe par là, il peut décider de me déloger. Je claque des dents. Je dissimule mon visage de femme sous mon foulard noir et blanc.
      • la chaleur du jour a disparut. Un vent frais s’attarde sur la peau de mes mains. Je les fourre précipitamment dans mes poches.
      • J’aimerai fuir cet endroit de néant. Je ferme les paupières, imaginant un foyer chaud et réconfortant. un lit douillet dans lequel je serai enfin en sécurité. Mais c’est impossible.
      • La nuit m’avale. Elle m’englue entre ses lèvres de suie. Les prédateurs rôdent les crocs découverts. ils fuient les lumières, pour se confondre avec les ténèbres. Ils guettent une nouvelle proie. L’un d’entre eux s’approche. Vêtus d’un costume sombre, et d’une belle chemise, il est tout en séduction. Mais son regard noir dément ses propos réconfortants. Je succombe, dans les premiers instants, à ce désir de le suivre. Nous faisons quelques pas sur un large pont enjambant la Seine. Un groupe d’étudiant hilares, et sans doute un peu ivres, nous dépassent sans nous voir. Mes idées sont confuses. La faim et le manque de sommeil embrouillent ma vigilance. Je me pétrifie brusquement. Il s’arrête à son tour. Son sourire se fige. Une lueur de contrariété brille dans ses prunelles brunes. Il proteste, me demande pourquoi je refuse de le suivre tout d’un coup. Il se fait plus enjôleur, me promettant que je peux lui faire confiance. Je recule, et profitant d’un nouveau troupeau de fêtards, je décampe en vitesse. Mon cœur cogne à tout rompre dans ma poitrine. La peur me donne des jambes. En haletant, je retrouve ma banquette de bois. Elle me semble si familière, et si rassurante maintenant...
      • Je perçois des mouvements, des odeurs nauséabondes de sueur masculine. Je me recroqueville, espérant disparaitre.
      • Je tangue entre songes tourmentés et conscience terrifiée. La nuit n’en finit plus...
      • Le jour me découvre allongée au même endroit, pétrifiéepar la froidure. Les yeux gonflés d’insomnie, je secoue ma terreur. Les entrailles nouées d’angoisse, je suis tout aussi désœuvrée et perdue que la veille. Des souvenirs de mon existence d’avant, remontent à ma mémoire. Un garçon aux cheveux et aux regard noirs hante mes heures. Une grimace étire mes lèvres dans un sourire désabusé.
      • Tout est allé si vite...
      • Il suffit de tomber amoureuse du mauvais garçon, et tout bascule dans un cauchemar. Il suffit d’une dispute, et il part en me volant mon argent. La scène se déroule au ralentit devant mes yeux larmoyants. Il me propose un voyage autours du monde. Et on commencera par Paris. La Tour Eiffel, et ses bateaux mouches...
      • Un escroc, un manipulateur, voilà mon bel amour qui dévoile enfin son véritable visage. Il m’abandonne sur les quais de la Seine, sans un sous en poche. Je suis ivre de rage, puis, au fil des jours, je suis trop épuisée pour le haïr. C’est moi-même que je blâme. C’est ma stupidité et ma naïveté que j’accuse... Et ce flic, au commissariat, qui me propose de venir chez lui...
      • Je déambule, dans un fracas, au milieu d’un tumulte incohérent. J’erre sans but, dans ce monde absurde auquel je n’appartiens déjà plus. Je marche dans ce dédale de rues sales. je me heurte de plein fouet, à la violence des regards fuyants, et aux mouvements de dégoût. Je me cogne brutalement, aux grimaces de mépris. A ces inconnus sans humanité, qui n’ont même pas la décence de se dissimuler derrière une main.
      • Et je me sens sale, laide, et mauvaise.
      • Je devrais peut-être m’asseoir, comme tous les autres. Je poserai mes fesses de sans-abri, de SDF, de moins que rien, sur une marche de perron pour mendier. je m’achèterai un billet de train pour rentrer chez moi. Il suffirait que je tende un gobelet vers ses gens bien propres sur eux. Je devrais réclamer de quoi survivre. De quoi apaiser les grognements de mon estomac. Il se tord de faim. Je n’arrive pas à m’y résoudre. La honte me retiens encore.
      • Alors me voilà, ombre parmi les vivants. J’avance sur ce bitume, brûlant. J’observe tous ces Zombies qui courent sans but, pressés de vaquer à des occupations futiles. ils piétinent, la tête baissée sur leurs chaussures hors de prix, indifférents et muets. Les yeux aveugles, et les oreilles sourdes. Je vois des bouches vomissantes sur la misère. Oui me voilà, insecte dégoutant, révoltant la civilisation. Je suis debout, les cheveux pendouillants de crasse. Me voilà, animal humain, embaumant la puanteur de vos belles avenues. je suis là, avec ma vessie pleine de pisse, qui ne sait pas où se vider, où se soulager dignement.
      • Et j’ai soudain envie de hurler : ‘ vous aussi vous pouvez vous retrouver à la rue du jour au lendemain ! »
      • Mais j’étouffe mon cri derrière mes dents serrées. Je regarde droit devant moi. Je me drape dans le peu de dignité qu’il me reste.
      • Et les heures ressemblent à des années.
      • Les trottoirs s’assombrissent au fil des passages. Les pots d’échappement expulsent encore et toujours, leurs poisons sur le ventre et le ciel de la terre. La populaces bien pensante, s’étale sous le soleil des terrasses. Des femmes s’extirpent, à regret, des boutiques haute couture. Les gens vont et viennent, brûlants des billets, pendant que l’autre moitié du mondemeurt en silence, la bouche dans la boue.
      • Et tout recommence. Chacun et chacune, entrants dans un balaie de Va et de Viens... de Rats et de Rien.
      • Et moi je marche, je rampe dans cet enfer.
      • Je trouve, en farfouillant dans ma poche, deux pièces. Poussée par la faim, je franchis, sans conviction, le seuil d’une petite boutique. Je l’ai choisie car elle reste coincée entre deux ruelles sombre. Elle me parait moins orgueilleuse que ses voisines. Je voudrai acheter une pèche.
      • Le fruit,rond a la peau douce comme une jupe de velours chic. Il repose tendrement dans un écrin de papier croustillant. Je peux respirer avec délice, son parfum de soleil sucré. Ses effluves captivantes, sont autant de promesses juteuses. Jela salive déjà. Je devine combien il sera délectable, d’y planter mes dents. Cette pêche est une perle de bonheur simple. Elle va me coûter les derniers sous qui me séparaient encore de la mendicité. Mais, je me la rêve trop pour y renoncer.
      • La vendeuse me gifle au visage avec son sourire méprisant. Ses yeux de fausse tristesse, me donnent la nausée. Elle me l’emballe ma pêche, dans un papier de gens riches. J’ai presque envie de rire devant tant de simagrées.
      • Je m’éloigne en hâte, pressée de me soustraire à la touffeur des faux-semblants. Je m’assois sous un rayon de Soleil. avec révérence, je découvre le trésor. L’emballage est pareil à un cadeau. Le papier émet un ravissant crachouillis. Je la caresse, comme la peau d’un amant. Je la palpe, je la renifle les paupières mi-close. Je veux faire durer le plaisir... …Son jus dégouline le long de mon menton. Je glousse en aspirant ses sucs. Sa chair est un recueil de souvenirs d’enfance. Je me cloitre loin du brouhaha de la rue. Je veux être seule avec mon ivresse...
      • Elle diminue trop vite, sur son noyau. Comme je voudrais qu’elle reste grosse et pulpeuse.
      • Et puis c’est la fin. Le triste retour à ce bout de trottoir anonyme. Lui non plus, ne sera jamais à moi. Il ne sera jamais MON devant de porte.
      • Mon estomac se remet à couiner lamentablement. Il crie plus fort. Il m’engueule de ce faux repas, de cette esquisse de délice. Mais sa tourmente ne guérira pas cette fois-ci.
      • La nuit reparait. Les prédateurs guettent le crépuscule, avides de chair fraîche.
      • L’âme dévorée de crainte, je regagne mon banc publique. Je retrouve, sans joie aucune, toutes mes hallucinations de sommeil introuvable. Des créatures difformes, aux orbites vides, dansent dans la brume crépusculaire. Ces fantômes sans visages, ouvrent des gueules gigantesques pour m’avaler. Je ferme les yeux, refusant de céder à la panique. Mais ils flottent vers moi, en agitant leurs bras squelettiques. Je sanglote en silence, épuisée. encore une fois, la nuit tombe sur le paysage parisien. elle abat son rideaux de taffetas noir, dissimulant la misère la solitude et la peur.
      • je jète un œil envieux aux passagers assit aux chaud dans leur belles voitures. Je me recroqueville plus loin sur mon lit de bois. La honte et la colère s’entremêlent dans mon ventre, en un tourbillon rougeâtre. Ma place n’est pas ici, ai-je envie de hurler. Pourquoi cette horreur sest-elle abattue sur moi ? J’avais une vie avant...
      • Les rares passants fuient mon regard. Ils peuvent, sans doute, lire la révolte sur ma figure blafarde. ils détournent vivement les yeux, embarrassés par ma crasse. Je grimace en silence.
      • Pour eux, je suis invisible, inexistante. Une ombre sans contours, qui surgit au coin d’une avenue. tout au plus, une odeur désagréable de détritus. Elle surnage un bref instant devant leurs belles vitrines. Un déchet rejeté par une société corrompue et égocentrique. Le va-et-viens ne peut s’interrompre pour si peu...
      • Un nouveau matin frileux, se lève face à la Tour de Métal. J’observe, stupéfaite, cette édifice centenaire. Je le trouve laid et froid. Les touristes s’égaillent, comme des oiseaux bavards, à ses pieds. Les appareils photos s’agitent entre leurs mains. Ils poussent des jappements admiratifs. Et dire qu’ils ont parcourus des milliers de kilomètres pour voir cette monstruosité... je rigole toute seule, en piétinant sur la longue route.
      • Mes pas me ramènent inexorablement vers le rivage de la Seine. Dans d’autres circonstances, j’aurais aimé ces flots nonchalants.
      • Je prends place au milieu d’un groupe d’étudiants joyeux. L’espace de quelques heures, je me prends à rêvasser. J’imagine être l’une d’entre eux. Assise sur un carré de verdure, les bras nus exposés à la douce chaleur du soleil, je fume mes dernières cigarettes. Je les grille une par une, en repoussant les heures sombres. Ces volutes bleutés, s’élancent vers l’azur avec élégance. Je les suis des yeux un instant extatique. Mes pensées s’égarent, la faim les rend hypnotique.
      • Un jeune homme, aux cheveux couleurs de feu, prend place près de moi. Son regard a la même teinte que le ciel au-dessus de nous. Il sourit avec douceur. Il m’offre une cigarette. Je l’accepte avec reconnaissance. le tabac repousse un peu la faim. Nous bavardons plusieurs heures. Je redoute l’instant où il disparaitra. Il me confond avec une étudiante. Dans un premier temps, j’hésite à lui confier mes malheurs. Mais sa gentillesse et sa douceur m’incite aux confidences. J’accepte de laisser libre court à mes angoisses. Il m’écoute, stupéfait. Une lueur de compassion illumine son beau regard.
      • Le soir étire ses tentacules sur mon fragile bonheur. L’insouciance du soleil s’achève. Les gargouillis de mon estomac me ramènent brutalement à la réalité. L’homme aà la crinière rouge, m’invite à diner. Je rêve d’un vrai repas, et d’une douche brûlante. J’accepte son invitation.
      • Nous dépassons la Tour Eiffel en silence. Soudain, les mots semblent superflus. Son studio est minuscule.
      • La porte de la salle de bain ne possède pas de verrou. Je lorgne le battant, avec une pointe d’appréhension. L’eau chaude dénoue mes muscles douloureux. En grimaçant, j’enfile de nouveau mes sous-vêtements sales. Mes cheveux hument bon la pomme. J’examine, avec curiosité, mon visage dans le miroir. Mes iris vert ont perdus leur éclats joyeux...
      • Je me glisse en silence dans le couloir sombre. Il m’appel depuis la kitchenette. Il se retourne le sourire aux lèvres. Presque machinalement, j’étreint mon petit couteau suisse que je cachais dans la poche de mon jean. J’ai brutalement conscience de ma fragilité. Cette arme dérisoire ne pourrait suffire à me défendre...
      • Mais la bienveillance de mon hôte fait fondre mes dernières barricades.
      • Nous mangeons assis l’un en face de l’autre. La table étroite, laisse peu d’espace entre nous. Cette promiscuité m’effraye un peu. Ces dernières heures emplies de terreurs font de moi une biche aux abois. Les nerfs tendus, j’avale mon assiette de nouilles au jambon. Ce sont les meilleurs pâtes que j’ai jamais mangé. Mon estomac se gonfle de satisfaction. Le café brûlant, termine ce repas somptueux.
      • La nuit s’avance sur Paris. Les volets clos nous maintiennent loin des regards et des dangers de la rue. Je redoute la suite. Exigera-t-il un paiement pour le gite et le couvert ?
      • Il semble lire dans mes pensées. Le rouge lui monte aux joues. Il détourne les yeux. Il secoue la tête, peiné de ma méfiance. Pourtant, il me comprend. Il me propose son canapé, mais je décline son offre. La crainte de le sentir se glisser dans mon lit, en pleine nuit, s’impose à mon esprit. La trahison de mon ami est bien trop proche. Même si mon instinct me dicte de lui accorder ma confiance, la peur est plus forte. Elle imbibe chaque pores de ma peau.
      • Sa mine navré me fend le cœur. Il hésite une fraction de seconde, avant de capituler. Néanmoins, il refuse de m’abandonner à mon sort. Le monde, au-dehors, est trop dangereux pour une femme seule.
      • Après quelques minutes de réflexion, il trouve la solution idéale : je dormirai dans sa voiture.
      • recroquevillée sur la banquette arrière, je somnole. Au loin, je distingue le brouhaha des parisiens. La lune m’observe de son œill blafard. Même ici, à l’abrit dans cet habitacle étroit, la peur tenaille toujours mes entrailles. Je demeure pétrifiée, immobile et muette, suspendue entre deux Mondes. Finalement, je succombe à l’attrait du sommeil. Mais mes songes, trop agités, secouent mon corps épuisé.
      • Les premières lueurs de l’aube teintent le ciel de mauve. Des oiseaux gazouilles gaiement dans les platanes rachitiques, qui bordent le parking. Je m’extirpe de la voiture. Les membres engourdis, et la bouche sèche, je tourne le dos à la Seine.
      • Je monte dans un bus, direction le métro. Mon protecteur aux cheveux flamboyants, a glissé un billet tout froissé dans ma main. Je le déplie soigneusement, et le tend au chauffeur. Son regard sans expression, me traverse sans me voir. Les cernes violets sont les témoins
      • d’une vie morose. Je tombe sur un siège au hasard. Le trajet s’effectue dans un brouillard opaque.
      • de bus en métro, je retrouve le chemin de la gare SNCF. Les wagons sont pratiquement vides. Je n’ai pas assez d’argent pour payer ma place, mais cela n’a aucune importance. Je rentre chez moi. Durant quelques jours, j’ai été la femme de la rue. Une silhouette grise déambulant au cœur de l’une des plus belle citée du Monde. Ces heures baignées de terreurs et de solitude, resteront à jamais gravées dans ma mémoire.
      • Mais à présent, je retourne à la civilisation. A cet univers incertain, ou tout peu basculer en une seconde. Assise sur la banquette recouverte de velours orange, je pose mon front contre la vitre. Je ferme les yeux, je chasse les brumes glacées qui s’agrippent encore à mes épaules. Je laisse libre court à mes larmes de soulagement.
      • Bientôt je serais à la maison...
  • Juste une aventure
    • Le train fonce vers la destination de notre rencontre. Insouciant, léger , il serpente joyeusement. Il déroule, tranquillement ses wagons en bourdonnant de toute sa ferraille. Le paysage défile à toute allure, pourtant le trajet me semble interminable. je n’ai jamais vue ton visage... pour moi, tu es seulement une voix dans un combiné. Bordants les rails, les grands arbres me font des signes amicaux. Ils sont si beaux, vêtus de robes émeraudes. L’été s’installe sur la campagne. Les collines rondes, s’étirent sous la chaleur du soleil. Un air frais s’échappe de la vitre entrouverte. Il embaume l’herbe fraichement tondue, et les fleurs sauvages. Je respire à pleins poumons ces effluves de jours heureux.
      • Des milliers de questions tourbillonnent dans ma tête. Vais-je te plaire ? Vas-tu me séduire ?
      • ,J’avale une nouvelle bouffée de senteurs d’été. Je chasse mes interrogations d’un revers de main agacé. Parfois, il faut simplement profiter de l’instant présent. Les doutes et les craintes s’éloignent enfin. De nouveau, je perçois les intonations sensuelles de ta voix. J’entends ton rire résonner dans le wagon. Un sourire béat aux lèvres, je détourne mon visage rougissant. Je ferme les yeux. L’excitation enfle soudain ma poitrine, et ravive mon désir. J’ai hâte de sentir tes bras autours de ma taille. Je mordille mon doigts. Bientôt tu poseras ta bouche sur la mienne...
      • un délicieux frisson glisse le long de ma colonne vertébrale.
      • Le reptile grinçant, me dépose enfin sur un quai de gare inconnue. La populace bigarrée et volubile, s’agite en tout sens. Je regarde, avec complicité, des amoureux s’embrasser entre deux valises. Des voyageurs s’engouffrent en hâte dans les tunnels noirs. je m’arrête un instant. j’examine intrigué, la foule qui m’entoure. Certains ont les traits figés. Ces gensavancent le regard vide, en tirant des bagages à roulettes. Des enfants, échappant à la vigilance de leurs parents, se poursuivent en riant. Les vacances commencent à peine. Ils sont heureux d’être là tout simplement. Pourquoi, en grandissant, perd-on cette insouciance du lendemain ?
      • je me secoue, et m’extirpe de ce chaos. Le souterrain déploie ses longs couloirs obscures. Je suis les petites ampoules oranges, l’esprit vagabond. Toutes mes pensées s’envolent vers l’homme de mes fantasmes. Avec lui, je pars à l’aventure, à la recherche du plaisir. Ces instants d’abandon seront-ils à la hauteur de mes espoirs ?
      • Le soleil me cueille à la sortie du tunnel. Je reste immobile une seconde, éblouie. Le hall est bondé. Je jète un coup d’œil au petit morceau de papier coincé dans mon porte-feuille. Je relis l’adresse de l’hôtel où nous avons rendez-vous. Mon cœur bat la chamade. Le murmure suave de sa voix chaude, dansmon téléphone, resurgit à ma mémoire.
      • Je m’engouffre dans un taxi. Les minutes qui me séparent de lui rétrécissent...
      • impossible de me concentrer sur le paysage urbain. Des immeubles gris, des rues bondées, défilent dans mon champ de vision. mais cela n’a aucune importance. Le chauffeur tente une discussion, mais mes réponses évasives finissent par le décourager. Le ciel est limpide. Il fait une chaleur torride. Pas un souffle d’air ne peut rafraichir mes sens en ébullition. Une rencontre entre deux inconnus, dans une chambre d’hôtel...
      • Ai-je perdue la raison ? Le corps ruisselant de sueur, je me prends brusquement à douter. Une nouvelle fois, je chasse ces pensées négatives. Il est beaucoup trop tard pour faire demi-tour. Je déglutis, et attrape une cigarette. Le conducteur renifle désapprobateur. Je feins l’ignorance, et décide de l’allumer. Il n’insiste pas, et mon large sourire éteint son agacement. Le tabac pourtant, ne dissipe en rien mes incertitudes. Je l’écrase fébrilement dans le cendrier. j’essuie mes mains moites sur mes cuisses.
      • Le véhicule ralentit, et s’arrête sur un petit parking. La touffeur de cette fin d’après-midi, me fais suffoquer. Je tend un billet, et récupère ma valise. Je prends une grande goulée de poussière citadine, et fais volte-face.
      • nous nous sommes promis des heures de passion et d’oublie. Je ne veux songer à rien d’autre...
      • Le baiser flamboyant du couchant, embrasse la rue toute entière. Les bâtiment semblent soudain brûler sous ce brasier.
      • L’hôtel se dresse dans la pénombre, éclairé par l’incendie. Je grave ce lieu dans mon carnet d’instants secret. Je détaille la beauté insolite de ses pierres roses, et de ses encadrements de fenêtres blanc. Il est exactement comme je le voulais : gracieux et coquet. Un peu timide, il se rencogne entr’une boutique de prêt à porter, et une jolie boulangerie. Sa façade élégante, n’a rien d’ostentatoire. Il est à l’image de notre rendez-vous : discret et mystérieux...
      • Mon excitation est à son comble. Un regard à ma montre, et je découvre que je suis en avance. Je décide de m’attarder un peu dans la rue. Un joyeux marché nocturne, s’agglutine sur les trottoirs. Je déambule au creux de ce tumulte. J’admire un étalage de maillots de bain, et de robes bariolés. je m’arrête plus loin, pour respirer gourmande, les effluvess piquante d’épices exotiques. les gens vont et viennent, le sourire aux lèvres. Le brouhaha ambiant, me grise agréablement. Mais l’heure est venue de pénétrer dans l’hôtel...
      • La chambre est déjà réservée à mon nom. Il a tout prévu, et cela me ravie. Je tends la main, et attrape la petite clé. Le réceptionniste me fixe d’un air étrange. A-t-il deviné ce que je m’apprête à faire ?
      • L’ascenseur m’entraine dans les étages. Son chuintement régulier, accompagne les battements saccadés de mon cœur. Ignorant superbement les chambres anonymes. il Dépasse aveugle, des corps en demande, comme moi, de sensation fortes.
      • Le couloir aux moquettes profondes, étouffe mes pas solitaires. Fébrile et impatiente, j’introduis la clé dans la serrure...
      • Seulle le souffle haletant de ma respiration, brise le silence.
      • j’appuie sur l’interrupteur, faisant jaillir la lumière. La chambre est jolie. Sans être spacieuse, elle est confortable et romantique. un jeté de lit jaune safran, une tapisserie rose pâle, offrent un contraste avec le mobilier sobre. Des rideaux blanc s’agite sous une brise tiède.
      • Le lit trône en maître incontestable. En le voyant là, immense, je me souviens pourquoi je suis là. Le feu inonde mes veines. pour calmer le galop effréné de mon cœur, je sors prendre le frais. Je m’accoude au balcon minuscule. Des fourmis vont et viennent tout en bas. Aucune d’entre elle, ne peut deviner l’émoi et l’excitation qui animent mes sens. Le vent caresse tendrement mes cheveux.
      • La cabine de douche est trop étroite. L’eau brûle ma peau nue. anxieuse soudain, je farfouille dans ma valise à la recherche de la tenue parfaite. Le moment est venue de me décider. Je n’ai plus beaucoup de temps. J’opte finalement, pour une petite robe en satin rouge. J’observe critique, mon reflet dans le miroir de la salle de bain. Un trait de crayon brun sous mes yeux, une touche de rouge à lèvres, et quelques gouttes de parfum entre mes seins pour terminer. Je suis prête...
      • mon cœur est sur le point d’exploser. Je m’installe sur le lit, et grille une cigarette. Je l’attends...
      • soudain, je sursaute. La porte émet un signale d’alarme. Un léger grincement, m’avertie de sa présence. Ma bouchedevient sèche. je me redresse lentement. Il ne prononce pas un mot. Nos regards se cherchent dans la pénombre. Nos respirations saccadées remplissent l’espace. Une effervescence Sensuel et délicieuse, embrase mon corps. un mélange subtile entre la peur et le désir. Ce cocktail délicieux, me ramène brutalement à la vie.
      • je le dévisage en silence. Je ne suis pas déçue, bien au contraire. Il est très beau, dans sa chemise blanche. Il fait un pas en avant, puis deux, et soudain, il est tout contre moi. D’une main douce, il soulève mes cheveux. ses doigts parcours ma nuque, allumant un incendie dans mon ventre. Je noue mes bras autours de sa taille. Mes paumes explorent son dos, ses fesses. Nos bouches se joignent dans un balaie avide et fougueux. Sa langue a le gout du café. Mes jambes ne me portent plus. La pièce tourbillonne, tel un manège fou.
      • L’obscurité nous enveloppe de sa cape de velours. La Lune pleine, nimbe les ténèbres de ses rayons d’argent.
      • gourmande, je déboutonne rapidement sa chemise. Avec convoitise, je le déshabille. Incapable de réprimer mon besoin de sentir sa peau nue contre la mienne. L’espace d’un battement de cils, ma robe tombe sur le sol, comme la corole d’une fleur. Il m’entraine sur la couche. Ses iris vert brillent de désir dans les ténèbres. Son parfum poivré et musqué, flotte jusqu’à mes narines.
      • Nos mains, nos bouches se découvrent lentement. Sonsouffle rauque s’accélére. Le lit gémit sous nos caresses passionnées.
      • Ses paumes, explorent chaque centimètres de ma peau, dévoilant mes trésors. Haletante et possédée par l’ardeur de la fièvre, je dérobe sur son corps, des perles de nacre.
      • La voute Céleste se pique d’étoiles. Nos corps noués l’un à l’autre, s’abreuvent à nos sources, sous leurs regards étincelants. De sa langue, il cueille le sucre de mes lèvres. Les soupirs d’extases, s’envolent,oiseaux libertins. Les draps se gorgent de nos râles de jouissance. Je noue mes cuisses à ses hanches, pour une dernière danse.
      • Le monde tombe dans un abîme sans fond. Un incendie embrase mes sens. Nos âmes fusionnent, se rejoignent au firmament de l’extase.
      • La Terre nous trouve échoué sur une plage de sable brûlant. Nos Âmes restent alanguies, sur le rivage lointain. elle nous berce contre son sein. Nous nous sommes endormis tendrement enlacés.
      • Je te rencontrais pour la première fois….
  • Graine d’homme
    • A l’intérieur de mon ventre, une petite graine s’est mise à pousser. Elle germe au creux de mes flancs. Elle m’agrandit, et je gonfle comme une Montgolfière. Je touche le coton délicat des nuages. Le murmure de Gaïa, la mère primordiale, accompagne mes pas. Tout comme elle, je vais devenir Maman.
      • Dans les replis de mes chaires les plus secrètes, ma petite graine d’homme s’allonge. Elle se vautre dans mon antre. Elle gigote en suivant les battements de mon cœur. cet Être minuscule emplit déjà tout mon espace. Mon Enfant, mon Trésor, est un joyaux dans un écrin de satin. Il écoute les chansons que j’invente pour lui. Je puise, au puit de lAmour, l’eau abreuvant nos futurs rêves. Tous mes Ancêtres se réunissent autours de mon berceau. En fermant les yeux, je distingue leurs visages souriants. Je perçois, à la nuit tombée, l’auréole de ces Anges bienveillants. Tout comme moi, ils guettent l’instant de sa naissance. Ils forment un cercle de lumière, pour nous protéger.
      • Couché au coin d’un bon feu, ma petite merveille s’épanouie doucement. Un jour, mon petit arbrisseau deviendra un Chêne puissant. dans mes songes, j’imagine sa vie. Je marche à ses côtés. Je l’accompagne dans chacun de ses projets. Ensemble, nous affrontons toutes ses peines. Je console ses moindres chagrins. Je cueille, entre mes bras maternelle, ses sanglots. Avec lui, je colorie les arbres en verts, et le ciel en bleu. Je plante des fleurs pour embaumer ses journées. Je dessine des maisons pleines de rire et de bonheur. Je crée des lucioles pour le guider sur les chemins tortueux. Sur un ciel trempé d’encre noir, j’invoque des rayons de Soleil. Je fabrique des bûches pour réchauffer son corps du froid de l’hiver. Je prierai les Dieux de tous les Paradis, et ils exauceront ses moindres vœux. Pour lui, mon sang et ma chair, je déchirerai le temps pour effacer ses erreurs.
      • Un souffle d’Étoiles, et une parcelle de mon âme s’envole. elle se mélange à ce petit corps tout chaud. Elle pousse à l’intérieur d’une terre fertile. Elle croît, jour après jour, seconde après seconde. Mon Angelot est si beau, et si pur ! Il illumine les ombres, et chasse les nuages noirs. Sa seule présence suffit à éloigner le chagrin du passé.
      • Cette douce semence d’homme pousse si vite ! Je la dorlote précieusement. Je la nourrie de tendre pensées. Je caresse mon ventre tendu. Je l’Aime tant mon garçon. Il flotte dans mes liquides, tel un poisson dans l’Océan. Il nage dans mes flots tièdes, à l’abris des tourments. Ma peau reste tendue comme un tambour. Il frappe de joie, au moindre de ses mouvements. Il chante en suivant le rythme de l’Univers. Ses vibrations atteignent le firmament lointain, et rejoignent le Paradis. Je la respire cette nouvelle vie. Elle vibre au plus profond de mes entrailles. Toutes les fibres de mon être s’ouvrent afin de recevoir ce présent inestimable. Je réchauffe ma graine minuscule. Je la laisse monter toujours plus haut vers le ciel. Du tréfond de mon Ame, je diffuse des milliers d’ondes apaisantes.
      • A présent, mon ventre est énorme. La récolte est proche. Je deviens outre débordante d’énergie. Les larmes scintillantes, coulent en diamants sur mes joues. Ce sont des ruisseaux d’eau vive. Un courrant invisible, irrésistible, m’emporte. Mon instinct maternelle, ma part louve, s’éveille. Autrefois noyau, mon prince s’est métamorphosé en nourrisson. Enfin délivré de mes entrailles, il repose contre mon sein. Il boit le lait tiré de mon Amour éternel.
      • Un jour, il deviendra un pirate aux yeux coquins. Une fève de cacao qui dansera avec les Anges. Abrité au creux de mes flancs, j’écoute sa respiration lente. Je caresse sa peau douce, et je ne peux retenir mon sourire épanouie. De ses doigts minuscules, il s’agrippe à ma main. Incapable de le quitter des yeux une seconde, je le laisserai grandir. sous mon regard affectueux, il deviendra un Homme Sage. Je lui apprendrai la liberté de réaliser toutes ses ambitions. Je le guiderai vers la lumière de l’accomplissement.
      • Un jour, mon arbre majestueux, enfantera à son tour. Lentement, il regardera pousser sa petite graine. Ému et fier, il l’accompagnera. Il partagera ses rires et ses larmes. Il écoutera ses révoltes, et ses espérances. Le cœur emplit d’angoisses, il le laissera quitter le nid familial pour devenir adulte. Tout comme moi, il découvrira les joies, les peurs et l’orgueil de devenir parent. Et peut-être que mes conseils, mon éducation jugées parfois trop sévères, parfois trop laxistes, porteront ses fruits.
      • Alors je pourrais m’allonger dans les terres bienfaisantes. Bercée par les bras tendres de Ma Mère spirituelle, je regagnerai le Temple blanc. Du haut de mon Ciel, j’attendrai mon garçon dans la lumière. Ses cheveux seront devenus neige, et ses traits seront aussi ridés qu’une vieille pommes. Pourtant, à mes yeux, il restera à jamais cette petite graine d’Amour qui a poussé dans mon ventre. Il quittera sa carcasse de chair, et main dans la main, nous voyageront parmi l’Éternité... .
  • La Mort
    • Perdue au Pays des Songes, je déambulais sans but. Je m’éveille soudain en sursaut, Le corps et le cœur grelottants. La solitude et la maladie rongent mes os jusqu’à la moelle. J’ouvre brusquement les yeux. Un étrange parfum de fleurs en décomposition flotte dans l’air immobile. Je renifle intriguée. Les volets entrouverts, laissent filtrer la lumière diaphane de la nuit. Mon regard erre dans la pièce. Je m’arrête, un instant, sur le miroir. Je distingue, au cœur des ombres nocturnes, mon propre visage. Je reconnais à peine ces traits figés par les ans. De profondes rides ont creusés des sillons dans ma chair. Les traces indélébiles d’une vie de joies, de combats mais également de souffrances. Mes cheveux pendent lamentablement le long de mes joues saillantes. Mes lèvres gercées, esquissent une grimace de dépit. Je détourne les yeux.
      • Je m’apprêtais à sombrer dans un sommeil de vieille femme usée, lorsqu’un mouvement attire mon attention. Effrayée et subjuguée, je découvre une silhouette. La mystèrieuse apparition se tient aux pieds de mon lit. Je frémis, incapable de détacher mon regard de sa capuche enténébrées. Vêtue d’une longue robe noire, elle écarte soudain ses bras. Deux longues mains blafardes, s’échappent de ses amples manches. Elle agite ses doigts squelettiques, formant d’étranges signes dans l’air. Sa bouche s’entrouvre légèrement. Je remonte précipitamment le drap sur ma poitrine. Je cherche des yeux un échappatoire. Mais je le sais, mes jambes ne pourront jamais me porter.
      • La Dame en Noir plonge brusquement sur la couche. A présent, elle glisse au-dessus du sol, tout droit dans ma direction. Ses pupilles rougeoyantes, palpitent, animées d’un feu destructeur. Je pousse un gémissement plaintif. La terreur me submerge, telle un ouragan dévastateur. Je ne parviens plus à réfléchir. Mes mains s’agrippent convulsivement aux couvertures. Comme si cette barrière insignifiante pouvait me protéger. De l’autre côté du mur, l’énorme pendule du salon, émet son ding-dong tonitruant. Elle sonne les douze coups de minuit. La fièvre et la crainte, crispent mes nerfs.
      • Dehors, le vent se déchaine brutalement. Il hurle à l’unisson de ma propre épouvante. Il frappe les volets avec acharnement. Les yeux écarquillés, je cesse instantanément de respirer. Ma poitrine douloureuse, me fait affreusement souffrir. Mon cœur bat follement prisonnier de ma cage thoracique. Mes membres pétrifiés par l’effrois, se paralysent un à un. Je tente de m’extirper de cette gangue gluante, sans y parvenir. Je ne suis qu’une pauvre vieillarde affaiblie par la maladie.
      • La Faucheuse, car c’est bien elle j’en suis certaine, se traine inexorablement vers moi. Ses cheveux, empoissés de boue, fouettent ses épaules, balayé par une brise de givre. Des glaçons se forment sur la laine du couvre-lit. une odeur nauséabonde s’infiltre dans mes narines. Un mélange de chair putride, et de plante marécageuses, empoisonne l’atmosphère. Un hoquet de dégout s’échappe de mes lèvres. La bile acide remonte le long de mon oesophage, brulant mon palais. je distingue, dans la pénombre, des lambeaux sanguinolents imbibants le tissus de sa robe. je voudrai détourner les yeux, ignorer cette vision horrible, mais je suis paralysée. J’évolue au cœur d’un abominable cauchemar, et je ne peux m’y soustraire.
      • Des tentacules de brume s’enroulent autours du lit. Je m’enfonce, désespérée, plus profondément dans le matelas. Ma raison vacille, telle la flamme d’une bougie. Je ne peux croire ce que je vois, et pourtant... mes sens ne peuvent me tromper. Le Monde a chuté au fond d’un puit sombre et humide. maintenant, la pluie accompagne le vent. Elle ruissèle le long des murs, pareille à des larmes. Je me noie sous cette avalanche d’eau. je suffoque terrassée par la peur et l’incrédulité. Mon âme tente de retenir des morceaux de réalité. La nuit indifférente, tombe sur la maison, et je sens le poids de la solitude peser sur mes épaules décharnées. Je sanglote en silence, en proie à mes tourments.
      • A l’extérieur, le tonnerre déchire le ciel d’encre. Des éclairs bleutés illuminent la chambre. Soudain éblouie, je cligne plusieurs fois des paupières. J’éprouve des difficultés à m’accoutumer à cette brusque clarté. Puis la scène apparait sous mes yeux. Pour la première fois, je vois parfaitement le visage de la Mort émerger de sa large capuche noire. Un hurlement suraigüe explose sous le plafond. Je met plusieurs secondes à comprendre. Il s’agit de mon propre cri. Il s’échappe en saccade hystérique de ma gorge douloureuse. Je porte une main tremblante à ma poitrine. Mon cœur manque de rompre sous l’assaut de mes émotions. Le spectacle de cette figure cauchemardesque me plonge définitivement dans la folie.
      • Des orbites écarlates brillent sur sa face lunaire. Aux coins de sa bouche gigantesque, j’aperçois des asticots blancs. Ils gigotent en tous sens. De cette orifice noirâtre, émerge des crocs jaunâtres. Des plaques de peau s’effritent le long de sa mâchoire. Percevant mon effrois, la Dame en Noir ricane de plus belle. Ses lèvres verdâtres, s’étirent en un rictus de satisfaction. Je ne peux plus ni bouger ni respirer. Mes poumons pompent l’oxygène corrompue avec frénésie. Tout mon Être se recroqueville prit de panique. L’orage tonitruant, fait échos à mes affolements. L’univers semble sur le point de voler en éclats.
      • Ses deux prunelles flamboyantes, se plantent dans les miennes. Mon âme se racornie terrorisée. La chambre à coucher s’emplit peu à peu, d’une brume grise. Je ne distingue pratiquement plus le mobilier. L’armoire et la commode perdent leurs contours. Elles ne sont que des objets sans formes ni substance. Et tout comme elles, je me disloque lentement dans ce brouillard. La tempête s’abat violemment sur mon décor familier. Le tronc d’un arbre se fend tout près de la fenêtre. Un épouvantable craquement résonne à mes oreilles. Mon corps ruissèle de sueur froide. Je mords ma langue si fort, qu’un filet de sang inondent mon menton.
      • soudain, le hurlement d’un loup déchire la nuit profonde. La Dame des Morts s’immobilise un instant. Elle redresse sa tête monstrueuse pour écouter. Elle est si proche à présent... je retiens mon souffle, le cœur au bord des lèvres. Sa respiration lente monte en volute blanc. Un parfum de souffre taquine mon nez. Sa longue chevelure ondule paresseusement sur sa frêles carcasse. En réponse au canidé, elle rejète subitement la tête en arrière et pousse un hurlement grave. L’air saturé d’humidité semble frémir. Mes ongles griffent spasmodiquement mes avant-bras. La douleur ne parvient pas à m’extirper de ce rêve épouvantable.
      • Au loin, la bête pousse un jappement plaintif.
      • La Dame en Noir, les lèvres entrouvertes, hume l’air. Les yeux mi-clos, les narines palpitantes, elle m’observe avec convoitise. Un frisson d’horreur dégringole le long de ma colonne vertébrale. De sa langue en putréfaction, elle pourlèche ses crocs dénudés. Les pupilles dilatées de désir, elle fouille mon Esprit avec fougue. Les souvenirs d’une vie bien remplie, surgissent à ma mémoire. Mes regrets, mes aspirations, mes lâchetés, et mes mauvaises actions s’étalent sans pudeur. l’orage s’est éteint. Je n’entends plus que ma peine et mes remords. Je sanglote à présent, secoué de tremblements. Les images débordent, elles tourbillonnent en riant. Elles éclatent en milles morceaux sur les murs. Elles déchirent mon cœur comme des épines. Les rideaux s’agitent, prit par cette sarabande désordonné. Le sommier grince sous le poids de mes chagrins.
      • A mes pieds, la Dame darde ses yeux de cendres incandescentes sur moi. De nouveau, Elle agite ses mains pâles. Les fragments de mon existence, s’éparpillent, nuée bourdonnante. Je retombe sans force sur les oreillersmouillés. J’essuie maladroitement, mes joues ruisselantes de larmes. Je ne lutte déjà plus contre la marée qui me submerge. Les éléments s’apaisent enfin. Le vent se retire, déchirant le voile des nuages, pour découvrir le firmament. L’astre lunaire éclaire ma couche de ses doigts d’argent. Le loup rebrousse chemin vers les sous-bois. Le tic-tac de la pendule reprend lentement son rythme.
      • Un profond sentiment de plénitude envahit mon âme.
      • surprise, je redresse la tête, et de nouveau, mon regard est happé par les prunelles. J’observe, intriguée une étrange métamorphose. les pupilles autrefois rougeoyantes, perdent leurs éclats incandescent. Les crocs aussi disparaissent. Seule demeure une Dame aux traits empreints de douceur. Je ne grelotte plus. Mon sang se réchauffe dans mes veines. La peur déserte mes membres. Une douce chaleur circule désormais, dans mon sang.
      • J’examine, le cœur battant chamade, la splendide créature qui me fait face. Elle me sourit, le visage auréolé de lumière. Elle a totalement abandonné son aspect macabre. sa robe ailes de corbeau, cède la place à une tenue immaculée. Elle resplendit.
      • Avec une douceur maternelle, elle repousse les couvertures. Nul froid ne m’accueille. Elle murmure tendrement, mais je ne parviens pas à comprendre ces mots envoutants. Ses cheveux, auparavant sombres, sont blanc comme le lait. A présent, elle me fixe de ses belles agates turquoise. De ses longues mains graciles, elle effleure ma joue. De minuscules frisson piquent ma peau, réchauffant mes vieux os.
      • le givre fond sur le couvre-lit. Le soleil envahit ma chambre, pourtant il fait encore nuit dehors. D’un geste sûre, elle s’empare de mon âme. A l’aide de son ciseau aux lames dorées, elle la tranche d’un coup sec. J’entends le bruit ténu du fil se détachant de mon enveloppe charnelle. Je fixe, sans aucun regret, la forme étendue sur le lit. Ce corps qui avait été le mien, je le quitte avec légèreté. Mon Essence Vitale flotte librement. Cette carcasse gisant dans ses humeurs de maladie de solitude se décompose déjà. Elle s’en retourne à la Terre Mère.
      • La Dame, auréolée de lumière, extirpe une balance, de son ample robe. Les deux plateaux dodelinent doucement. La Belle me fait signe d’approcher. Je vole jusqu’à elle, le cœur soudain étreins d’appréhension. Elle m’invite alors à m’installer sur l’un des plateau d’argent. J’obéis docilement. Avec des gestes lents, empreints de grâce, elle pose une plume sur le second. Il y eut un instant de panique. Mais, en voyant les deux servantes s’immobiliser, le soulagement m’envahit. Mon âme est plus légère que la plume...
      • La bouche de la Dame s’étire en un sourire satisfait. Elle hoche plusieurs fois la tête approbatrice. Sans plus attendre, je descends de la balance, enfin rassuré.
      • La Dame de Lumière range ses instruments. Elle glisse sa main dans la mienne. Sa longue chevelure danse dans un halo scintillant. Le plafond s’ouvre sous mes yeux émerveillé. Les Cieux apparaissent, écrin de velours perlé de diamants. Les arbres du jardin, tendent leurs bras en une prière ovatrice. Les premiers rayons du Soleil déchirent la Nuit. L’Aube empourprent l’horizon, sous le chant des oiseaux.
      • Je m’élève, heureuse et légère. Mes combats ont prit fin. Une porte s’ouvre, m’emportant dans un courant chaud. Des silhouettes familières tendent des bras chaleureux vers moi. Le Monde Humain disparait bientôt, avalé par la clarté diffuse de l’Au-Delà...
  • Jeu divin
    • Depuis la Création, Dieu et Satan observent les terriens à la dérobé. Avec curiosité, ils décortiquent les pensées de tous ces Êtres pathétiques. ils observent ces misérables gesticuler et hurler des imprécations à leur endroit. Tantôt les humains invectives Dieu, tantôt ils insultent Satan... Les deux Ennemis Éternels, ne se lassent pas de harceler les pauvres bougres. Ils tirent, à tour de rôle, les ficelles de ces marionnettes avec une délectation sans nom.
      • Dieu Et Satan gloussent, hilares. Ils s’amusent de toutes ces contorsions misérables. Assis, bien confortablement, sur un Divin divan, couvert de coussins moelleux, ils se gaussent à gorges déployées. L’aube se lève sur un enjeu inédit. Inventifs et créatifs, les Deux Compères, se creusent la cervelle pour créer de nouveaux supplices. De nouveaux délices célestes.
      • La main est à Dieu. C’est à son tourde commencer la funeste partie. Le cœur en joie, il choisit sa proie. Une créature au désespoir.
      • Depuis bien longtemps, L’homme guette le silence. Les nombreuses prières, les nombreuses offrandes, semblent se dissoudre dans les airs. L’homme, le cœur en miettes, sanglote sous la torture. malgré une vie exemplaire, son Dieu refuse de l’écouter. Nulle réponse n’advient jamais.
      • Les Immortels, regardent la fourmis insignifiante s’agenouiller. Les dalles dures et glacées, martyrise ses pauvres genoux. L’église est muette. Des fragrances de cire fondue, imprègnent l’atmosphère lugubre. Le Soleil décline sur l’horizon. Les ombres s’allongent sur les murs de pierre. Les flammes vacillantes des cierges, diffusent une pâle lueur sur la nef.
      • Dieu darde son regard sur le croyant. Il se délecte, toutes papilles frémissantes. une odeur appétissante de misère, se dégage en lambeaux de l’homme. Il exulte, il fanfaronne devant un Satan dépité. Avec un tel pion, il est certain de gagner cette partie-là !
      • Son fidèle serviteur, s’abandonne déjà. Sa ferveur est une véritable friandise ! Dieu aperçoit son âme ondoyer dans la pénombre. Il pousse un soupir divin. Il renifle, toute narines dehors, les ravissants effluves. Celui-là sera délicieux, à n’en point douter.
      • Satan, agacé et contrarié par la tournure des évènements, sirote le Vin Sacré. Il cache sa gueule écarlate derrière la coupe d’or, mais ces prunelles rougeoyantes, lancent des éclairs enragés. Le nectar est pourtant savoureux, ni trop sucré, ni trop acre. Il claque sa langue fourchue contre son palais. Le sourire satisfait et supérieur de Dieu, le met en rogne. Il grommèle dans son bouc. Il tapote les coussins de soie, pour se donner une contenance. Pas question de se donner en spectacle devant ce bon crétin de Dieu !
      • Dieu se décide enfin à saisir les dés. Il adresse au Diable un sourire dédaigneux. Le Cornu se mord les lèvres, retenant à grand peine, une remarque cinglante. Il repose, avec fracas, sa coupe pleine. Des gouttelettes sanguinolentes, éclaboussent sa tunique d’argent. Dieu fait la moue, désapprobateur. Il n’aime pas les mouvements d’humeur. Il faut savoir se maitriser à tout instant. Satan est décidément un rustre sans éducation.
      • Il se détourne, affichant son mépris. Il agite les Cubes de la destiné, entre ses larges mains. Le bruit des pièces s’entrechoquants, est agréable à ses oreilles. Il souffle, avec grâce, dans ses poings serrés, histoire d’attirer Dame Chance...
      • Il a honte de l’avouer, mais il déteste perdre...
      • la main céleste décrit un large mouvement scintillant. L’œil rivé sur la table, les Dieux retiennent leurs respirations. Les cœurs s’arrêtent. les petits cubes roulent et caracolent sur le tapis de jeu, brodé de diamants. Ils s’immobilisent soudain, inconscients de leur funeste emploi.
      • Satan grimace un rictus. Sa face boursoufflé, luit dans la lumière du Palais. Les cubes ont parlés. Le Divin Créateur a obtenu un six. Le pion est à lui pour six coups. Ce sera difficile a rattrapper...
      • Dieu agite la cloche. Le tintement aigüe résonne dans le silence. Deux sbires, appartenants à chacune des parties, sont chargés de noter les points. Ils se jètent des regards de défis, par-dessus leurs tablettes.
      • Dans les gradins, Anges et Démons s’agitent. Les paris sont ouverts. Les cornus insultent, les ailés encouragent Dieu. L’ambiance est électrique ! Les sabots frappent le sol de marbres blanc. Des trompettes et des tambours accompagnent le tapages. Des nymphettes aux seins nus, déambulent entre les spectateurs. D’un sourire aimable, elles proposent boissons et friandises.
      • L’homme ignorant, les mains jointes, murmure ses doléances. Inconscient d’être l’objet d’une distraction ignoble, il se prosterne toujours plus bas. Pourtant, tout est déjà écrit. Sa vie ne lui appartient plus. Il tombe, pieds et poings liés, dans un piège fatal. Il est devenu, à son insu, le pantin de la Destinée.
      • Le froid engourdis ses membres noués. Les yeux brûlants de larmes, il erre dans les méandres de ses dénuements. La vie ne l’a pas épargné. Il n’a, cependant, jamais cédé au découragement. Ses maigres forces, il les consacre à faire le bien.
      • Dieu cueille, une à une, les pensées débordantes d’amour et de bonté. Un sourire béat aux lèvres, il fredonne. La foi de ce fidèle a décidément un fumet splendide ! Il glisse, avec un soin minutieux, les fleurs délectables dans une fiole de cristal.
      • Satan s’agite sur son siège. Il repousse, avec une difficulté grandissante, son désir de tordre le cou à ce prétentieux. Il agrippe sa coupe et l’envoie valdinguer sur les dalles. Le vin éclabousse le tapis de jeu. Des tâches pourpres maculent le tissus précieu. des gouttelettes s’égouttent sur le sol immaculé. Aussitôt, un serviteur en livré dorée, accoure une serpillère à la main.
      • Dieu éteint sa contrariété derrière ses paupières. Il ajuste sa robe immaculée, en pinçant les lèvres. ce n’est pas la première fois que son hôte se conduit comme un grossier personnage. C’est le Diable après tout. Et nul, pas même lui, ne peu échapper à sa nature profonde.
      • Lucifer découvre ses larges dents en lame de poignards. Dans ses veines, circulent de la lave en fusion. Pourquoi diable a-t-il accepté de jouer à ce jeu stupide ?
      • Ses larges naseaux, expulsent un jet de vapeur. Ses cornes se tendent sous l’irritation. Ses griffes lacèrent les coussins. Des nuages de plumes blanches, s’échappent des déchirures. Il fulmine. Les Humains ne songent qu’à remercier Dieu. Ces soit-disant pouvoirs Divins... mais, en vérité, lui aussi Satan, était présent le Jour de la Création ! Il a contribué à l’élaboration du Ciel et de la terre. Il a partagé toutes les corvées avec cet orgueilleux ! Et il n’en tire aucune gloire. Les humains sont d’ignobles ingrats ! Des hypocrites, reniants ses bienfaits et son utilité ! La lumière est mise en valeur grâce aux Ténèbres ! L’équilibre du Grand Univers nécessite la présence de deux antagonistes : le Bien et le Mal. Voilà la vérité !
      • Pourtant, on ne cesse de le maudire. Dans la Bible, il tient toujours le mauvais rôle. Les humains, incapables de reconnaitre leur tort, lui mette tout sur le dos. C’est décidément trop injuste !
      • Sur Terre, l’ouaille de Dieu, tend ses paumes vers les Cieux. sous le faible éclairage chancelant des bougies, ses traits apparaissent ruisselants de larmes. Le dos courbé sous une misère insoutenable, il s’adresse au Seigneur. Son estomac crie famine. Son visage, strié de rides profondes, porte les stigmates d’une vie de dures labeurs. pourtant, il demeure immobile, le cœur confiant. il ne se plaint jamais. Son Sauveur Céleste ne peut l’abandonner ! Il est le Dieu d’Amour après tout ! Jamais il ne se détournerait d’un homme honnête et droit. Car il a toujours été respectueux des lois. Il a bannit toute colère de son cœur, même lorsque les privations et les injustices se sont abattues sur ses frêles épaules. Il ne frappe ni ses enfants, ni son épouse. Il se montre bon envers son prochain, allant parfois jusqu’à offrir gîte et couverts au mendiants.
      • Non, Dieu Sauveur de l’Humanité, ne saurait détourner le regard de sa brebis égarée...
      • Le Diable ricane devant tant de stupidité. Ce crétin est trop crédule, décidément ! Il se penche pour mieux examiner l’écran plat. L’image est particulièrement claire ce soir. La connection est parfaite. Les Anges ont faits un sacré bon boulot. Il lève une main munie de longs ongles noirs et crochus. Il réclame des précisions sur le passé du Pion. Il désire consulter les archives. Dieu maugrée, mais consent. Après tout, Satan est dans son bon droit. Mais s’il croit déceler une faille dans le comportement exemplaire de l’humain, il risque d’être déçut. Ce pauvre paysan, est acquis à sa cause. Nulle ombre n’entache le tableau.
      • Soudain, les oreilles pointues du Démon frémissent. En regardant défiler les souvenirs de l’Humain, il prend la juste mesure de son calvaire. En vérité, Dieu, soit-disant miséricordieux, n’a jamais soulagé, de quelque façon que ce soit, les malheurs de ce pauvre homme. Il se mord la langue pour ne pas éclater de rire. Non vraiment c’est trop drôle. Il se rencogne sur ses coussins. Il passe une langue épaisse sur ses lèvres couvertes de pustules. Décidément, Dieu n’est pas très malin...
      • Démunie et impuissant, l’Homme s’agrippe à ses espoirs, comme un naufragé à sa bouée. Lui aussi, songe Satan, il est stupide. Ne voit-il pas l’inutilité de ses jérémiades ? Une idée germe lentement dans son esprit. Lui le Démoniaque, exaucera ses vœux. Après tout que réclame-t-il ? Un peu d’argent, la guérison pour son fils, un bon mari pour ses filles, davantage de reconnaissance pour ses bonnes actions... rien de bien compliqué en somme. Il pourrait aisément le détourner de Dieu...
      • il doit simplement attendre son tour...
      • Dieu interrompe son geste. L’œil brillant de malice de Lucifer l’inquiète brusquement. Que mijote ce coquin ? Il hausse les épaules. Il chasse, d’un geste ample, ses doutes. Il reporte toute son attention sur l’écran géant. Les images défilent sans interruptions. C’est un tantinet agaçant, mais il se contient. Il capture, presque tendrement les prières de son jouet. Elles s’entassent dans les bocaux, telles des conserves. Il se rassure en les voyant s’aligner sur l’étagères. C’est sûre, il gagnera cette partie. Un sourire étire ses lèvres divines. Ce gros sac putride devra s’incliner devant sa suprématie.
      • La cloche sonne. Son tintement fait sursauter le Seigneur. Il expire une longue bouffée d’air. Des étoiles s’envolent en grésillants de sa bouche. Il balaye cette nuée d’une main nonchalante. Lucifer frotte ses grosses pattes l’une contre l’autre. L’excitation brûle le sang dans ses veines. Il se redresse, le cœur tambourinant.
      • C’est à son tour de manipuler la marionnette...
      • L’homme, tout en bas, assit entre le Paradis et l’Enfer, se redresse. Il dévisage Jésus crucifié sur sa croix. Une ombre s’immisce lentement dans sa conscience. Une pointe de doute se distille dans ses veines. Il se détourne, le cœur serré par une angoisse persistante. Et si Dieu l’avait bel et bien abandonné ? Et si, pire que tout, Il n’existait pas ?
      • Le souffle suspendu, il écoute le silence. Les pierres grises suintent d’humidité. L’Eglise est muette. Le gémissement du vent, s’engouffrant dans les fissures, crispent ses nerfs. Soudain, un grognement monte sous l’arche. Les flammes vacillent, se couchent, puis s’éteignent finalement, les unes après les autres. l’obscurité s’abat sur la nef. Des yeux l’observent depuis les ténèbres. Il frissonne de terreur. Il referme, les mains tremblantes, les pans de son manteau, sur sa maigre carcasse.
      • Il courre presque, pour sortir du Temple. Dehors, la bourrasque le cueille d’un baiser glacé. Au-dessus de sa tête, un corbeau pousse un cri strident.
      • Satan jubile. Il rit à gorge déployée, si fort que des flammes orange s’échappent hors de ses appendices nasales.
      • Dieu grimace de dégoût en voyant la brûlure disgracieuse s’étendre sur les soies. Il se tait cependant, afin de rester digne. Il doit montrer l’exemple à ses Sujets. Même s’il souhaitait intervenir sur l’âme du jeu, le règlement l’interdit. Il détourne le regard, écœuré. Mieux vaut se taire, afin d’éviter le scandale.
      • Il se concentre. Certes, son Pion est perturbé. Il commence à se poser des questions existentielles. Lucifer a semé la discorde dans son Esprit. Mais Dieu est prêt à lui accorder un petit miracle ou deux. Après tout, la fin justifie les moyens. Et il veut absolument, gagner cette manche !
      • Il fourrage nerveusement dans sa barbe.
      • Les heures s’écoulent au Paradis. Sur Terre elles se transforment en années. Dieu et Satan enchainent les coups. L’homme bascule entre sublimation et tueries. Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa raison s’étiole en filaments écarlates. Ses idées s’embrouillent. Les voix chuchotent d’étranges paroles à ses oreilles. La nuit est peuplée de créatures à deux têtes. L’une représente le bien, l’autre le mal. Mais comment choisir ? Il bascule dans l’antre de la folie.
      • La pendule d’or sonne le ding-dong. La partie est terminée. Les paris sont interrompus. Les arbitres comptent les points.
      • L’homme s’est suicidé. Les infirmières le retrouvent, un beau matin d’hiver, pendu dans sa chambre d’hôpital. Finalement ni le bien, ni le mal n’ont triompher. Son Âme s’envole tout droit au Purgatoire.
      • Satan plonge ses orbites flamboyantes dans les yeux argentées de Dieu. C’était un beau match. Dieu sourit de toutes ses dents immaculées.
      • Les deux Immortels s’emparent d’une coupe d’or, et trinquent. Il est temps d’aller se reposer. Satan couvre son long corps massif d’une cape enténébrée. Il s’en retourne à ses affaires. Dieu le regarde s’éloigner avec soulagement. Il s’avance vers le divan, et constate,navré que les coussins de soie sont fichus. Lui, lorsqu’il se rend Aux Enfers, il ne se conduit pas comme un rustre !
      • La prochaine fois, se promet-il, il remportera une belle âme... »
  • L’oiseau de métal
    • Il est immobile sur la piste brûlante. L’estomac grand ouvert, l’avion avale les silhouettes minuscules. Des ombres sans visages, s’engouffrent dans ses entrailles mortes.
      • Je l’ai réveillé à l’aube. Mon petit garçon, le visage chiffonné de rêves interrompus, se tortille entre mes bras. Sa valise est là, aux pieds du canapé. Je ne la regarde pas. Je lutte contre le chagrin qui monte à ma gorge. Je dois faire bonne figure. Je dois faire de ce jour de séparation, un moment de fête. Il ne doit pas savoir combien je souffre . Je souris, je bavarde gaiement, le cœur en miettes. Je devine déjà les prémices d’une longue séparation. Les doutes m’assaillent brusquement. Mais je les chasse, comme on chasse des mouches. Le Monde poursuit sa promenade sans se soucier de mes états d’âme.
      • Il avale son bol de lait, mord avec appétit, dans sa grosse tartine beurrée. Il est joyeux. Il ne sait pas encore...
      • il a six ans, et il va prendre l’avion pour la première fois de sa courte vie...
      • il retrouvera bientôt son père, dans cette île lointaine...
      • Soleil, plage de sable blanc... tout un décor pour le bonheur... mais moi je ne serai plus là...
      • Le soleil darde ses rayons sur sa cuirasse argentée. Ses plumes trop brillantes, éclaboussent mes yeux.
      • Mes joues ruissèlent de larmes. Le front pressé contre la vitre glacée, je le contemple avec une infinie tristesse. Le volatile sans cœur ni mémoire, dévore ses derniers passagers, indifférent. Désœuvrée et impuissante, je fixe sa croupe aveuglante. Il plonge ses orbites noires, dans les miennes. Peu à peu, il terrasse mes ultimes forces. .
      • Avide il dévore, sans remord, un morceau de moi-même. Il picore ma chair à vif. Mon sang se fige dans mes veines. Un éclair malfaisant passe dans ses prunelles sans vie. Il se délecte déjà de sa nouvelle proie.
      • il a kidnappé la chair de ma chair. .
      • dans l’aérogare, les gens déambulent aveugles et sourds à ma douleur. Ces inconnus dépourvus d’identité, vaquent à leurs occupations. Ils bourdonnent tout autours de moi, pourtant je suis seule sur mon îlot de désespoir. Ces étrangers réduits à un simple bruissement de voix lointaines et anonymes. Des fantômes flottants en périphérie de mes yeux. Je reste seule naufragée, échouée sur une grève déserte.
      • Les jambes flageolantes, je glisse le long de cette vitre malveillantes. Mes bras se tendent, mais mes mains étreignent l’absence. Je deviens rivière incontrôlable. Un poignard pourfend ma poitrine.
      • Au loin, l’oiseau de métal ricane de mes tourments. Ses moteurs ronflent. Le tarmac brûlé par les rayons ardents du Soleil, vibre sous le train d’atterrissage. Le monstre quitte le sol. Il disparait bientôt avalé par un ciel trop bleu pour le malheur.
      • J’imagine ton petit visage, appuyé contre le hublot. Cette vision m’emplit de remords. Tu quitte mes bras de mère, et mon cœur se déchire. Tu as six ans, et je te laisse partir. Tu rejoins ce père presque inconnu. Je ne t’abandonne pas, je veux juste avoir une vie meilleure. Reprendre mes études, afin de t’offrir une belle maison.
      • Brusquement, je vacille, gelée par la morsure de la culpabilité. Je suffoque, la gorge noué de chagrin. Je porte une mains tremblante à mes lèvres, étouffant à grand peine, un cri d’anéantissement.
      • Me pardonneras-tu cette séparation ? Tu grandiras et tu poserais des questions. Trouverai-je les bonnes réponses ? Suis-je sur le bon chemin ? Ces études de médecine ouvriront-elles la voie du confort et de la sécurité ?
      • Le monde tangue. Un terrible craquement résonne dans le silence de mon dénuement. Mon âme explose, réduite en miettes. Mon bonheur s’éparpille, emporté par le vent. Les doutes m’assaillent. Comment savoir si j’ai pris la meilleur des décision ? A présent il est trop tard...
      • je fixe le point métallique suspendu dans l’air chaud. Le brouhaha diminue dans mon dos. Il se transforme en un bourdonnement ténu. Ma bouche devient sèche. Je m’écroule sur la première chaise devant moi. Je suis vide. L’oiseau de malheur, a engloutit mes tendresses de mère. Il disparait entre un ciel d’azur et une terre aride. Pourtant, je dois sécher mes sanglots. L’amour est une pierre précieuse. Il se garde hors du temps. Je ferme les yeux. je puise en mon cœur, ces ultimes forces vives. Je souffle sur les braises de l’espoir. Je ne dois pas céder à ma peine. Pour nous deux, mon petit angelot, je résisterai à l’ouragan dévastateur du chagrin. Je t’envoie mes pensées les plus tendres. Je lance, vers le ciel d’azur, une poignée de baisers. Je réaliserai nos rêves, et nos rires reviendront. Mon Mon petit Trésor, je te berce contre mon sein.
      • dans un avenir proche, je prendrai ta main minuscule, et je te présenterai ta nouvelle demeure. L’oiseau de métal déploiera ses ailes, et nous nous retrouverons. Il te ramènera à mes bras maternelles, mon tendre garçon. Je te garderais contre mon âme pour toujours. Et alors nous ne serons plus jamais séparés...
  • Promenade solitaire
    • Je marche au hasard, portée par une route sans fin. L’asphalte brille encore, humide de pluie. Sa ligne blanche, avalée par l’horizon, se déroule vers l’inconnu.
      • Une buée chaude s’échappe de ma bouche, emporté par la bise. J’enfonce mon bonnet sur mes oreilles. Malgré la froidure, je n’ai aucune envie de rentrer. Personne ne m’attend chez moi.
      • Sur le bas-côté, les grands chênes ont perdus leurs feuilles. Ils étendent des bras squelettiques en direction d’un ciel indifférent. L’écorce des tronc, dévoré par le givre, s’écaille. Je caresse, émue, cette peau à vif. Ces Êtres si majestueux en été, supplient Dame Nature d’épargner leur corps amaigris. Tout comme eux, je suis vulnérable et insolite.
      • Du coin de l’œil, je guette les sous-bois. Le sentier tortueux m’invite à le suivre. Mais la perspective de m’enfoncer au cœur de ces feuilles mortes, m’effraie soudain. L’image terrifiante, d’une branche aux doigts crochus, me tirant par le cou, me tétanise. Dans la semi-pénombre, je distingue les traits grimaçants de buissons hirsutes. je frissonne sous mon blouson. Le vent, aguicheur, murmure des mots tendres à mes oreilles. Il s’engouffre entre les troncs serrés, m’faisant mine de jouer. Si je franchis le seuil enchevêtré, je suis persuadé de me perdre dans ce dédale gris.
      • Après un dernier regard, je retourne au bord de la route. Des voitures me dépassent à vive allure. Elles foncent, aveugles, pressée d’arriver à destination. Leurs yeux morts, éclairent brièvement les bas-côtés, sans voir le paysage. impatients, peut-être, de s’assoir au coin d’un bon feu. Ma gorge se noue. Tous ces automobilistes sans visages, sont certainement attendus quelque part. Un être cher guette leur retour avec fébrilité. Un repas, bien chaud sera servit dès leur arrivé. Des mains douces chasseront le froid de leurs épaules. Des baisers, balayeront les derniers instants de solitude. Un bon verre de vin noiera, définitivement, les flocons de givre accrochés aux regards.
      • Personne ne m’attend.
      • A plusieurs reprises, je manque de glisser sur les tas de feuilles humides. Elles s’entassent faisant la joie des enfants. D’un large coup de pied, ils les feront voltiger dans l’air glacial.
      • L’été me manque terriblement. Les plages de sable blanc, le goût du sel sur ma langue. Les rayons ardents du Soleil sur ma peau nue...
      • Je m’arrête subitement, le souffle court. La chaussée monte en pente raide.
      • La marche devient pénible. La sueur coule le long de mon dos. J’ouvre un peu mon anorak. Le ciel s’obscurcit. Je dois me hâter. Le vent se déchaine subitement. Il envoie valdinguer les tas de feuilles mortes. Les chênes claquent des branches, affolés. De gros nuages assombrissent l’horizon. Les véhicules se raréfient, et bientôt, je demeurre seule dans la rue. L’angoisse oppresse ma poitrine.
      • Il est temps de revenir sur mes pas...
      • Une étrange panique m’étouffe subitement. Une angoisse sourde englue mes pensées. Mon cœur s’affole dans ma poitrine. Mes mains deviennent toutes moites. La raison n’opère plus. Les ténèbres s’abattent sur mes épaules tremblantes. Des phares de voiture me traquent tels des yeux de fauves. Je trébuche sur les racines déformants le bitume. les rafales givrées giflent mes joues. je referme précipitamment mon blouson. Les bois gémissent sur mon passage. Des bruits inquiétants, résonnent dans le tumulte. Les arbres tordent leurs pauvres membres squelettiques. Ils tanguent harcelés par la bourrasque cruelle.
      • a mon grand soulagement, la route s’illumine soudain. Les lampadaires s’allument comme des guirlandes de Noël. Les gouttelettes de pluie s’accrochent aux lumières vacillantes. Un coude encore, puis j’aperçois enfin le toit de ma maison. Le cœur battant chamade, je ralentis. Dans ma course folle, j’ai perdu mon bonnet. Mes cheveux trempés, sont en bataille. La pluie ruisselle le long de ma nuque. Le souffle court, je me moque de mes craintes.
      • Les mains enfoncées dans mes poches, je m’immobilise sous le porche du perron. Dans mon dos, je perçois les lumières tremblotantes des autres habitations. J’entends des rires, des exclamations joyeuses. Le chagrin me submerge. Ce bonheur me parait inaccessible, interdit. Le corps agité de longs tremblements, j’introduis la clée dans la serrure.
      • Seuls le silence et la solitude accueille mon arrivée.
      • A quoi bon une bouche si elle ne peut embrasser ? A quoi bon des bras s’ils ne peuvent étreindre ?
      • De nouveau, j’affronte mes couloirs vides. Je déambule dans ces lieux froids. J’illumine, une à unes, ces pièces désertes. J’allume un bon feu dans la cheminée. Je me verse un grand verre de vin, et contemple la nuit à travers les baies vitrées. La pluie tambourine contre la vitre. Elle dégouline comme des larmes, brouillant le décor. Je tourne le dos à ce paysage désolé pour m’installer au chaud.
      • Peu à peu, les ténèbres s’évanouissent. Une lueur d’espoir renait dans mon sein. Mon sang circule plus vite dans mes veines. Une nouvelle résolution vient de naitre dans mon esprit.
      • Demain sera un autre jour. « Tu » es là, quelque part, et « Tu » m’attends. Comme moi, tu chérie une petite graine de Soleil. « Tu » espères ma venue. « Tu » rêves de m’étreindre entre tes bras. « Tu » désires me retrouver... . J’arrive mon Amour... Attends-moi...
  • Notre amour dans une valise
    • La salle du restaurant est presque vide. Tu parles, mais je n’écoute plus depuis longtemps. Tu ne me regarde même pas, et mon esprit dérive. Je parcours l’espace à la recherche d’un point où me fixer. Les autres convives semblent s’ennuyer autant.
      • C’est notre anniversaire...
      • Il y a 4 ans, tu m’offrais un nouveau départ. Une folle aventure à l’autre bout du Monde. Une île émeraude dans un écrin de Turquoise. Du soleil, et des plages, et je croyais tes boniments. Des mensonges de contes de fées pour petite fille.
      • Il n’y a jamais eu de bague, symbolisant notre union. Il n’y a jamais eu de déclaration d’amour éperdue, à genoux, ni de robe de mariée. Il n’y a jamais eu de fous rire jusqu’à l’aube, ni de caresses enflammées.
      • Le seul cadeau que tu m’as fait s’appel Benjamin...
      • Nous n’étions pas fait l’un pour l’autre. Je le savais, et pourtant, j’ai ignoré les signes.
      • Nous étions si jeunes, si inexpérimentés.
      • a présent, mes larmes se sont taries. Mes cris s’écroulent, inconscients, à tes pieds. Longtemps, ils se sont bousculaient contre mes lèvres closes. J’espérais, sans doute, faire changer la roue du destin. Mais c’était sans compter sur ton immaturité et ton orgueil.
      • Tu voulais vivre encore comme un adolescent. Et moi je refusais d’être ta mère. Je désirais juste être ta femme. Un enfant c’était trop pour toi. Il se mettait entre nous.
      • Assis l’un en face de l’autre, nous restons muets. Nos silences moroses, finissent par creuser un canyon au milieu de la salle à manger. Nos interminables discutions s’éteignent comme des chandelles soufflées par un courant d’air. Nos terribles chamailleries s’incrustent dans les tapisseries. Elles se suspendent aux murs, comme des tableaux abstraits, aux couleurs fanées. Des paysages pluvieux, reflétants le chagrin de notre vie commune.
      • Le soir, tu agrippes ton oreiller, pour dormir sur le divan. Ton odeur et tes ronflements, ne vont pas me manquer. Je m’étire avec volupté, entre les draps. Je n’éprouve aucune culpabilité à te savoir recroquevillé sur le vieux clic-clac défoncé. Je profite du calme pour lire ce roman d’horreur que tu déteste. Je dévisage nos portraits rieurs, accrochés sur les murs. Je ne reconnais pas ce couple amoureux. S’agissait-il réellement de nous ?
      • Je jète un œil agacé sur la chaise rouge. Appuyée à la tapisserie décollée, elle croule sous tes vêtements sales. Tes chaussettes puantes, jonchent le carrelage. Ta combinaison de plongée, qui nous a couté une véritable fortune, me nargue sur son cintre. Je résiste à ce désir insensé, de la flanquer par la fenêtre. Ta collection de cartes téléphonique, ont prit toute la place sur mon étagère. Je rêve de les voir disparaitre avec tout ton matériel de pêche sous-marine.
      • En silence, j’aligne mes valises contre la porte d’entrée. Ton regard fuyant ne peut plus blesser mon cœur. De cet organe palpitant, dévoré de passion, il ne reste que cendres. Le brasier s’est éteint sans un bruit, sans un éclat.
      • Les baisers fougueux, échangés sur la banquette arrière de la Twingo de ta mère, s’envolent en riant. Tes mains chaudes, se faufilants sous mon tee-shirt, me dégoutent à présent. Tu es devenu trop négligé. Tes cheveux, au autrefois si doux, crissent entre mes doigts, comme du crin de cheval. Tu es devenu dur et froid. tu es un inconnu.
      • Nos projets de conquêtes du Monde, se réduises à de vieilles photos jaunies, agglutinées dans un album. Des pages et des pages imbibées de sanglots. Des images décolorées, craquelées par tous mes espoirs déçus. Des rêves impossibles à rattraper. Des oiseaux piaillants qui s’envolent par la fenêtre.
      • Nosjours insouciants ont cédés la place aux morsures du silence. Ce convive insidieux, a prit place à notre table. Avec nonchalance, il a mangé dans nos assiettes, bu dans nos verres, avant de s’allonger dans notre lit. Peu à peu, sans y prendre garde, nous lui avons abandonné nos paroles. Par lassitude, ou par négligence, nous avons cédé à ses mains câlines. Il nous a cajolé, de ses mots suaves. Et lorsque j’ai compris combien il avait gagné du terrain, il était trop tard. Cet odieux nuage noir, a plongé notre décor ensoleillé, dans une nuit sans fin. Le silencieux démon, a imprimé de profondes cicatrices dans ma chair. Accompagné par l’amertume, il a empoisonné notre couche.
      • Au fil des années, nos matins tendres, se sont transformés en petits déjeuners moroses. Ces rayons ardents nommé désir, se sont disloquées lentement. Nos visages figés, nos corps crispés, remplacent désormais, nos nuits torrides. Une tranchée invisible, sillonne note lit, nous retranchants toujours plus près de nos tables de chevets.
      • Seuls nos deux réveils discutent encore, en échangeant des tic-tac moqueurs.
      • Nos mains se frôlent, seulement par erreur, sur le couvr-lit. Nos souffles courts, ne se cherchent plus dans la pénombre. La glace des regards, dépose du givre sur notre tendresse d’autrefois.
      • Nos mains ne se caresses plus. Elles sont crispées l’une contre l’autre, redoutants le contact. A présent, le dégout supplante les étreintes délicieuses, et les baisers passionnés.
      • Les cartons de vaisselle, partagés à la hâte, s’entassent dans le coffre de la voiture. Nos querelles incessantes, ont fait fuir nos derniers amis. ils en avaient assez d’être prit à témoin. Tes grimaces d’impatience, terminent le travail. tes mots, méprisants, deviennent le marteau brisant mon cœur. Jour après jour, l’ombre avale, pièce par pièces, nos rires et notre complicité. De sa bouche avide, elle dévore les miettes abandonnées, ça et là, par la compassion. L’orage et les tempêtes, ravages les bribes encore étincelantes de la communication.
      • De notre amour, il ne reste que cet abominable sentiment de gâchis.
      • Nous restons immobiles et raides sur le palier. Les bras croisés sur la poitrine, les poings crispés, tendus et prêts à mordre à la première occasion. nos yeux lancent des éclairs de rage, mal contenue. Autrefois amants, nous sommes devenus adversaires, prêts à cogner pour un oui ou un non. Les nerfs à vifs, ont s’observent à la dérobé, la colère au bord des lèvres, piqués par le dard de la rancœur. Tous ces sentiments néfastes, empoisonnent nos âmes. Aujourd’hui, chaque aliments, chaque boisson, a un gout acide. Même la soie la plus douce, devient rugueuse.
      • Les portes claquent avec violence. Les murs tremblent sur leurs fondations, menaçants de faire écrouler notre immeuble. Les voisins de palier, détournent la tête, embarrassés par nos vociférations. Ni la pudeur, ni la honte, n’ont raison de nos glapissements. Nous devenons des animaux uniquement habités par nos instincts primaires. La haine et la violence, possèdent nos langues. Des mots assassins, des paroles douloureuses, sont telles des flèches. Nous les décochons, tour à tour, sans interruption. Nul drapeau blanc, nul traité de paix, n’est à l’ordre du jour. Seule compte la blessure infligée à l’Autre. Tout ce qui sort de nos bouches doit obligatoirement atteindre sa cible. aucun d’entre nous ne baisse sa garde.
      • Et l’ordinaire se métamorphose en Enfer.
      • Ma vie se fend dans un bruit de verre brisé. Abattue, sans force, j’examine les débris sanguinolents de notre amour éparpillés sur le sol. Des lambeaux de tissus flottent dans l’atmosphère nauséabond de notre foyer. Les meubles, choisis ensemble, seront vendus pour une bouchée de pain. Des vases de porcelaine,jonchent le plancher. Les rideaux arrachées des tringles, ont été pliés dans des sacs poubelle. Je repousse du pieds, les morceaux de cadres font resurgir ma colère. Je la ravale à grand peine, et ramasse gauchement, les parcelles de nos biens communs.
      • Sans un remords, je dévale les marches. La porte vitrée de l’immeuble, se referme sans bruit dans mon dos. Le Soleil s’allonge sur un horizon flamboyant. Des roses embaument l’air chaud. L’été sera bientôt là.
      • En levant les yeux, j’aperçois ta silhouette immobile sur le balcon. Je chasse les cheveux de mon front. Le soulagement envahit mes muscles. Mon corps se détend comme une corde. Je ferme les paupières. Le Soleil déclinant, allume un incendie sur la rue. Je te quitte... et soudain, le Monde me semble plus beau...
  • Royaume lumière
    • Ouranos s’éclipse, cédant la place aux Ténèbres de la Nuit. Dame Lune expose son ventre rebondi aux doigts brûlants de l’Astre Solaire. Sans pudeur, elle dévoile ses rondeurs insolantes. Les insectes nocturnes, stridulent dans le jardin.
      • Bercée par les murmures de Gaïa, je marche pieds nus dans l’herbe tendre. Mon corps, autrefois si lourd, me semble plus léger. Je flotte délicieusement, au-dessus de ces flots verdoyants. Le vent caresse tendrement mes cheveux. les Étoiles, diamants étincelants, accompagnent mon chemin. Leurs gros yeux suivent ma progression.
      • Un ruisseau gargouille entre les pierres plates. Immobile, j’écoute ses gémissements soyeux. Son chant immortel est empreint de Sagesse ancestrale. Les paupières mi-closes, je laisse ses mots pénétrer mon Esprit. D’étranges images, venues d’un Temps immémorial, défilent à vive allure. Des Êtres aux regards lumineux, chuchotent à mon oreille. Ces paroles éveillent ma mémoire.
      • les pins aux troncs sveltes, frémissent de toutes leurs aiguilles. Une odeur de résine, chatouille mes narines. Je m’approche timidement. Le plus âgé, m’appel doucement. Je m’agenouille à ses pieds. je parcours, du bout des doigts, sa peau rugueuse. Son écorce frémit sous mes frôlements affectueux. Le Grand Pin raconte l’Histoire du Monde. Il est le Gardien d’un Royaume de Lumière.
      • Ses inflexions douces, apaisent mes tourments. Dans ce Sanctuaire Secret, nulle douleur ne persiste, raconte-t-il.
      • Brisée de fatigue, je m’allonge à même la terre. Le Majestueux abrite mon pauvre corps du vent taquin, gambadant dans les collines. Il sèche les larmes encore agrippées à mes joues. Blottie dans ses bras, je reprends des forces. Je me gorge de ses sèves. Mon sang se réchauffe subitement. Il coure dans mes veines,illumine chacune des mes cellule. Une joie primitive, m’entraine sur un rivages lointain.
      • réconfortée, je me couche sous le ramages douillet. Le tapis d’humus, devient un matelas moelleux. Je m’enfonce, avec un soupir de plaisir, dans ce cocon. Mes cheveux s’entremêlent aux racines. Prise dans l’étau rassurant de Gaïa, j’oublie mes craintes, mes doutes et ma souffrance. Ils s’envolent au firmament, nuées de papillons gris. j’oublie les douleurs de l’Humanité. Je suis à la fois, le brin d’herbe et la prairie. La cigale qui chante, et l’oiseau gazouillant dans les cimes. je dérive sur les vibrations éternelles.
      • Happée par la bouche gigantesque du Temps, mon âme glisse en silence. Désormais, je n’appartiens plus aux puissances ténébreuses de
      • la maladie. libre de ses entraves, je m’installe dans la barque séculaire. Mon corps, autrefois si pesant, se réduit à un simple soupir. Je suis la plume dérivant dans la respiration des Étoiles. Mes combats sont terminés. Je dépose les armes, humble et servile. Je m’offre, sans regret, à la puissante et magnifique Lumière du Néant. Elle s’ouvre à moi, me séparant à tout jamais, de mes douleurs de femme. Elle me guide, à travers un dédale mystérieux.
      • Au sommet d’une colline verdoyante, se dresse le Temple blanc. ses murs immaculés, reflètent les rayons d’un Soleil ardent. Ouranos, bleu turquoise, cajole son épouse Gaïa. Des roses rouges, des marguerites, des tulipes multicolores, piquent les herbes folles. Des fontaines, aux eaux cristallines, murmurent joyeusement. Un chemin doré, serpente entre les fleurs. Il mène tout droit au Sanctuaire. Le cœur léger, et le sourire au lèvres, je gravis la pente douce.
      • Parvenue au sommet de la colline, je contemple, émerveillée, la construction majestueuse. Ses larges colonnes de marbre, touche la voute céleste. Un toit pointus, coiffe les murs. Un Êtres, vêtue d’une robe tout aussi blanche, m’accueille. Ses bras enlacent ma taille, sa bouche baise mon front. Sa voix résonne dans mon âme, pourtant, ses lèvres n’esquissent aucun mouvement.
      • Tout sentiment de solitude, de désarrois,quitte mon Esprit. Dans ce Royaume de Lumière, je deviens flamme vive. Mon guide m’invite à le suivre. Je glisse ma main dans la sienne, confiante. Je franchie le seuil du Temple, abandonnant derrière moi, toute angoisse et toute peurs.
      • Dans cet Espace illimité, je voyage à travers le Temps et l’Infinis. Mes Destins passés, apparaissent. Mes multiples existences, me sont dévoilées. Je contemple, ces visages, à la fois familiers et inconnus, qui ont été les miens. J’emporte, dans mon sillage, des bribes de savoir, de sagesses accumulées. Riche de ces révélations, je retourne à mon corps mortel.
      • Progressivement, je rejoins le Monde Matériel. Je réintègre mon enveloppe charnelle. Elle est encore allongée dans un creux de prairie. Les herbes tendres me reçoivent chaleureusement. J’ouvre les yeux sur un ciel d’azur. Un Soleil d’été, réchauffe mes membres engourdis. Le chant des oiseaux, clame mon retour. Les grands pins, applaudissent de leurs épines, heureux de me revoir. Le ruisseau, s’étire dans son lit, en gargouillant gaiement.
      • Je me redresse lentement. Mes jambes sont encore en coton. Les parfums de la colline, me semblent plus capiteux. Les couleurs sont plus profondes, plus vives. Les roses écartent leurs pétales, dévoilants leur cœur au baisers ardents du Soleil. Les arbres paraissent encore plus élégants et forts.
      • Mes forces reviennent. J’avale, avec gourmandise, une grande goulée de cet air vivifiant. Mes futurs combats ne me semblent plus aussi féroces. Cependant, si les épreuves deviennent trop blessantes, il me suffira de retourner dans le Sanctuaire. Je m’éloignerais du brouhaha incessant du Monde. Je fuirais le chaos, pour me réfugier dans le Royaume de Lumière.
      • ici, suspendue entre deux univers, je réapprendrais à aimer…
  • Lune Pleine…
  • Inspiration
    • les mots se succèdent sans fin. Ils tourbillonnent dans ma tête.
      • En grognant, je m’agite dans mon lit. Des rayons de Lune blafarde, s’égarent sur ma couche. Les filaments argentés tracent d’inquiétants motifs sur la tapisserie. Je les fixe un long moment, persuadé d’y retrouver des symboles magiques. Des messages d’Outre-Tombe peut-être...
      • Je décide finalement, des les ignorer. je me recouche, et ferme les yeux.
      • De nouveaux, je tente de chasser les phrases de ma cervelle indisciplinée. Je fabrique, en toute hâte, une grande malle. Je susurre, de ma voix la plus câline, des injonctions mielleuses, afin de les amadouer. Mais ces satanés démons, refusent d’obéir ! Et le coffre reste vide.
      • En ricanants,ils s’agglutinent contre ma peau,, comme un morceau de cuir mouillé. Certains restent suspendus au plafond, chauve-souris aux ailes translucides. Ils me dévisagent, avec de gros yeux globuleux. Ils Voltigent autours de ma tête. Je frappe des mains, mais c’et peine perdue !
      • Tous ces caractères noirs, cherchent à me rendre folle...
      • je ferme les yeux, espérant, priant, pour qu’ils disparaissent enfin. ils se rapprochent en piaillants misérablement. Des gouttes d’encre écarlates, s’égouttent sur mon visage. Ils chialent dans les ténèbres. Je résiste à l’envie de hurler de rage. La culpabilité s’invite à la fête, me nouant les entrailles. Les mots lèchent mes doigts, m’incitants à ouvrir mes paupières.
      • Sadiques, ils sont capables de me tromper. Lorsque je m’installe devant la télévision, le cerveau enfin au repos. Je me repais de ces instants de silence religieux. Les idées stagnent dans une Mer d’huile, en émettants des ronrons lointains. Les muscles de mon corps, se détendent un par un. Je glisse dans ce bain chaud, dépourvus de remous. Les images, sur l’écran, bougent et parlent, je n’entends pas vraiment. Mais peu importe. C’est relaxant.
      • Soudain je sursaute violemment. Les nerfs tendus, les sens en alerte. Mon attention se détourne, malgré moi, du petit écran.
      • Mon cœur cesse de battre. Le souffle court, je me redresse sur le qui-vive.
      • Ce sont des malins. Immobiles, suspendus dans les coins sombres, ils guettent l’instant propice pour fondre. Un roulement de tonnerre, emplit l’espace. Les murs vibrent, le sol tremble. Je n’ai plus le temps de fuir, déjà ils se jettent sur moi. Me piétinent sans merci. Je suffoque sous l’assaut désordonné. Des glapissements suraigües, explosent mes tympans. Incapable de lutter contre cette marée furibonde, je dérive, aveugle et sourde.
      • Finalement, épuisée, je me soumets à mon dictateur.
      • Les phrases se ruent sur mon clavier, comme des loups pour la curée. Libérées du carcan de ma cervelle, ils s’ébattent en tous sens. Je joue du fouet, de la voix et des suppliques, pour ordonner tout ces vandales. Ils me bousculent, en jappants, épuisant ma patience. Ils éclaboussent mon visage, mon écran de tablette, d’un sang noir.
      • Après une nuit blanche, je décide d’assouvir ma vengeance. Je les attache durant plusieurs jours. Je fais mine d’oublier mon ordinateur. Je quitte la maison, pour m’installer à l’hôtel. Dans une chambre anonyme, sans aucun moyens d’écrire, ils enragent. Je m’installe sur une plage de sable chaud. J’écoute le murmure du ressac, et la stridulation des cigales. J’avale des somnifères, je bois de l’alcool... mes pensées se disloquent... se noient dans un épais brouillard salutaire...
      • Et je ne les entends plus.
      • Je me réveille en sursaut, dévorée d’angoisse. Les idées ont désertées ma boite crânienne. Je me secoue, affolée. et si j’avais perdue l’Inspiration ?Ce grand vide, me terrifie subitement. Mon éditeur hurle au téléphone. Il exige de lire un manuscrit, et cela dans les plus brefs délais...
      • terminé les nuits paisibles...
      • Les mots sont des maux... ils hurlent à la mort, comme des loups sous la Lune. Et je grince des dents...
      • Finie ces instans jubilatoires, étalée sur ma serviette de plage, à griller come une saucisse sur le grill. Je jette, pêle-mêle, mes robes d’été et mes shorts, dans le fond de ma valise.
      • Armée de nouvelles résolutions, je les attends de pieds ferme !
      • Plus question d’insomnie, ni de vidange de cervelle ! Ces affreux vampires ne me suceront plus jamais jusqu’au sang ! J’en fais le serment !
      • Hélas, mes bonnes résolutions fondent rapidement comme neige au soleil.
      • Le crépuscule incendie les murs de mon bureau. Je devrais aller me coucher. Je tangue sur ma chaise, les yeux rougis de fatigue. Mes doigts pianotent à toute allure sur le clavier. Les mots s’enchainent. Les phrases culbutent les lignes. Les heures défilent sur le cadran de la pendule. L’histoire prend forme. Les personnages échappent à mon control.
      • Ce verbiage ruissèle le long de mes touches de clavier, éclaboussent mes cuisses. Bientôt, le plancher es inondé.
      • Le Soleil se lève, et me retrouve exactement au même endroit. Raide et froide sur mon fauteuil. Mes phalanges engourdies, grincent douloureusement. Mes paupières lourdes, battent la campagne. Ma bouche est aussi sèche que le désert du Sahara. Un coq pousse son cri strident, célébrant le lever du matin. Mes tempes vibrent sous mes cheveux gras. Mon estomac gargouille, affamé et furieux. Les jambes engourdies, et les bras gourds, je tente de m’extirper de cette gangue gluante.
      • je ferme les yeux, accablée de fatigue. Les voyelles, les consonnes, dansent en sarabande autours de mon bureau. Les virgules, les points, les tirets, sautillent à leur côtés. Les murs suintent d’encre et de sueur.
      • Je traine ma carcasse dégingandée à travers les couloirs. Je m’appuie contre les murs, pour ne pas chavirer d’épuisement.
      • Je mâchouille une tartine de pain rassit, le regard dans le vide. Le téléphone vibre sur la table de la cuisine. Je dévisage le petit écran avec agacement. Mon éditeur est content. Mon manuscrit est achevé. Je soupir, résignée.
      • Chaque jour, je deviens esclave de mon Inspiration. Elle ouvre sa porte, et lâche ses chevaux. Ils galopent dans la maison, brisant les cadres et les vases, sans remord. Je m’installe dans le bureau, soumise. Les Esprits de l’Autre-Monde, ont besoin de mes doigts pours’exprimer. Les fantômes errent sous mon toit,la mine blafarde. Ils s’assoient sur mes genoux, et racontent, racontent, et racontent inlassablement...
      • Je suis ton pantin, inspiration. Fais de moi ce que bon te semblera...
      • Je n’ai plus la force de me débattre...
  • Aigle-esprit
    • Autrefois, dans un temps oublié de Tous, les Chamans me nommaient Aigle-Esprit. Mais aujourd’hui, je ne suis que l’ombre du Totem. Un Dieu perdu dans les Méandres du temps. Un cri de gorge jaillissant d’une chanson égarée. Une image délavée dans un livre d’histoire. Une Légende murmurée au cœur des nuits sans étoiles.
      • Pourtant, je suis Comme le Vent et l’Océan, à la fois immortel et intemporel. je n’appartiens à aucun Monde, je me confond entre les deux. Voyageur infatigable, je déploie mes ailes. Je suis le lien indéfectible entre Vivants et Morts.
      • L’Aube naissait sur l’horizon du désert. Ciel et Terre se confondaient, enlaçants leurs brumes dans une ultime étreinte. Les nuages s’égaillaient, chassés par le Vent. Tout en bas, les coyotes regagnaient l’abris protecteur des montagnes. Les prédateurs abandonnaient les carcasses sanguinolentes. Couchés sur le sol, les Braves jonchaient la Plaine. Abattus sans vergogne par la cruauté de leurs propres frères humains. Des plaintes de femmes s’élevaient dans l’air immobile. La poussière rouge maculait les visages pétrifiés par la Mort. Les ruisseaux salés imbibaient la Terre. Le Vent s’était tu, accablé par la douleur des Peaux Rouges. Les vieillards, le dos ployé de tourments, ramassaient les cadavres. Le Soleil brûlait Morts et Vivants, sans distinction. Son brasier, indifférent, asséchait tout.
      • C’est au seuil de ce chaos que mon nom fût prononcé pour la première fois.
      • Le guerrier au regard étincelant de haine et de douleurs, m’extirpa des Ténèbres. Je flottais dans cette plénitude. Je demeurais innocent et paisible, couché dans un océan de sérénité. J’étais le mugissement lointain d’une rumeur. Dans des Temps immémoriaux, la simple évocation de mon nom, suscitait terreur et damnation. Loin des soubresauts des Mortels, je me baignais dans le Vide
      • Le Brave, rescapé du déchainement, me contraignit à resurgir au Monde.
      • Les cendres de Nuit se dispersaient, soufflées par le flamboiement du petit jour. Des perles de rosée, s’agrippaient aux herbes fauves de la Plaine. Les oiseaux célébraient l’arrivé grésillante de Soleil.
      • Mon Maître, les poings serrés sur le tomahawk, défiait les Dieux. La gorge noyé d’affliction, les yeux brûlants de larmes de rage, il hurlait sa détresse. Mais les dieux ne l’écoutaient plus. Ils détournèrent leurs têtes, délaissants la Peaux-Rouge. Sa détresse éclaboussait les roches arides, imprimant, à jamais la pierre de son empreinte.
      • Le dédain des Créateurs, balaya l’espoir du Brave. Le cœur déchiré par un chagrin insondable, il chercha sa vengeance. Surgissant d’une pensée fugitive, le souvenir de mon nom apparut à sa mémoire. Une étincelle de souvenir ancien, parvint à déchirer Espace et Présent.
      • Je cherchais, dans un premier moment, à me dérober. Cette main cruelle, qui me séparait de mes chers Ténèbres, était implacable. La force de sa volonté, animée par la haine et la soif de vengeance, attirait inexorablement, mon Moi à la Lumière. Durant ce battement de cils, le Mouvement perpétuel s’immobilisa. Un terrible craquement résonna dans la Plaine. Le sol vibra, Le Ciel, apeuré, s’assombrit de Nuages. La Montagne trembla, Déversant sur ses flancs, son flot bouillonnant.
      • Expulsé sans pitié, je déployais mes ailes pour la première fois. J’ouvris grand mon bec. L’air brûla mes poumons. Je lançais mon cri, planant au-dessus de ce ventre aride.
      • En bas, silhouette minuscule, le guerrier appelait mon nom. Les bras levés, il exigeait ma soumission. Les ailes encore humides du Néant, je frémissais de colère. Je tentais de résister à ses injonctions, tiraillé entre le désir de liberté, et la force de la prière. Mais l’humain vêtue de peaux de bison, avait tracé, à même sa chair, les symboles Sacrés. Mon vol s’acheva à ses pieds. Je m’inclinais, obéissant.
      • Ses prunelles enténébrées plongèrent en Moi. Incapable de résister, je laissais son âme s’unir à jamais à la mienne. Nos deux Esprits s’entremêlèrent, formants un Tout. Je parcourrais, à ses côtés, les longues langues verdoyantes. Je sentais, entre ses jambes, la chaleur des flancs de sa monture. Le cheval galopait sans fatigue. Il dévalait Montagne, traversait Ruisseau, sautant chaque obstacle sans peur. Je goûtais, avec une joie vive, aux lèvres pulpeuses d’une femme. Sa chevelure, ailes de Corbeau, formaient un rideau sur son visage. Sa peau, à la douceur de pêche, aiguisait mes sens.
      • Le Temps suspendit sa course effréné. Le Vent immobilisa son souffle, pour écouter la palpitation saccadé de nos cœurs battants à l’unisson. Dès ce jour, je lui appartiens.
      • Celui-Qui-Aimait-La-Chasse, tel était son nom. Il vibre encore dans les recoins secrets de mon corps. Ensemble, nous dansions autours du feu. Ensemble, nous invoquâmes Tempêtes et Tourments pour l’Homme-Blanc.
      • Et les supplices vinrent...
      • Les nuages s’amoncellent sur la ligne d’horizon. Hors du temps et de l’espace, je survole le Monde inlassablement.
      • Rien, ici-bas, n’échappe à mon regard immortel. Des pâturages verdoyants où paissent les bisons, aux terres stériles et meurtrières du déserts, en passant par les pics acérés de Montagne couverts de neige. Toutes ces beautés envoûtantes et mystérieuses, s’offre sans pudeur à ma vue. Hommes et bêtes confondus, s’agitent en contre-bas, inconscients d’être observés. Leurs frêles carcasses s’agitent dans une ultime seconde, prédestinés à l’éphémère. Le fil de leur vie, se déroule en un battement de cils. Ils s’obstinent à lutter contre la Mort toujours plus vorace.
      • Je poursuis le Vent en riant. étirant mes ailes sous la morsure incandescente du Soleil. Je m’engouffre entre les cicatrices profondes de la roche. Les coyotes, les crocs découverts, guettent mon ombre. Ils hurlent avec le Vent, croyants m’effrayer.
      • Celui-Qui-Aimait-La-Chasse n’a pas été le dernier. D’autres ont scandés mon nom. Pourtant, le souvenir des nuits sombres, où nous dansions ensemble autours du feu, me hantent encore. Mes yeux s’emplissent de larmes, à cette évocation. L’eau salée coule en pluie tiède sur le sol aride. Charrié par le ruisseau, elle se mêle à l’Océan. Mais les tumultes intérieurs qui m’assaillent, ne peuvent être apaisés. Trop de sang a été versé, trop de rugissements douloureux ont résonner par le passé. Où que j’aille, j’emporte avec moi, le souvenir de ces heures de lamentations. De l’Aube au Crépuscule, les Braves à la peau rouge, accompagnent mes errances. Condamné à jamais à l’éternité, je refuse d’oublier. Je suis l’unique témoin des massacres. Le dernier survivant d’un combat inégale. Longtemps, les guerriers ont nourris ces vastes étendues de leur courage et de leur espoirs.
      • .
      • Désormais, je ne possède plus aucun nom. Nul tambour ne bat pour Aigle-Esprit. Le sentier de la guerre se réduit à une simple légende. Et Peau-Rouge vit dans des réserves.
      • Les paupières closes, je me remémore les Chants Sacrés. Je revois encore, les corps maquillés de peinture. Les plumes accrochées à leurs cheveux, pour honorer ma présence.
      • Il n’y avait pas toujours la Guerre. Parfois, il y avait aussi des rires et des rêves...
      • J’emporte entre mes serres, l’âme des Égarés. Je sème terreur et mort, mais j’offre aussi la rédemption.
      • Pour la tribut,je pouvais être la renaissance. J’animais la flèche atteignant le cœur du bison. Au couchant, lorsque le Soleil jetait ses derniers rayons dorés, ils m’offraient le sang de la bête. Ils partageaient plaisirs et musique. Ils connaissaient tous mon nom. Ils ne m’avaient pas encore effacés de leur mémoire.
      • adoucis par les ans, je regarde les hommes d’un nouvel œil. je ne cesse de m’étonner de cette complexité, cette dualité. Toutes ces émotions font de lui un Être si imparfait. Et pourtant si magnifique...
      • Du haut de mon siège Céleste, j’assiste en silence à l’effondrement de ce Monde.
      • Serait-ce la Justice de Peau-Rouge, qui accomplie son Destin? s’agit-il des Dieux abattants enfin leurs épées pour fendre la pierre de l’Homme-Blanc ?
      • Bientôt, je le prédis, les Tempêtes rugissantes, écrouleront les fondations de cette civilisation meurtrière. Les ombres d’une Nuit sans fin, dévoreront les vestiges fumants.
      • Suis-je donc le seul à pleurer sur ces corps ensevelis sous les cailloux de la plaine ? C’était il y a si longtemps, et pourtant, c’était hier...
      • Ô entendez ma complainte. Moi l’immortel, condamné à jamais à errer entre les Deux Mondes. Esseulé, accablé de chagrin, et de souvenirs sanglants, je lance un ultime chant. Les Braves ont abandonnés Vengeance et Désespoir. A présent, libérés du fardeau de la haine, ils dansent autours du brasier de la Sérénité. Les Ancêtres sourient éclairés par le firmament piqueté d’étoiles.
      • Comme j’aimerai les rejoindre, dans cet Au-Delà !
      • J’écoute, au crépuscule, le martèlement des tambours, le doux sifflement des flûtes. Je goute avec eux, la plénitude de chaque seconde, comme il sied que l’on boive le vin de la vie.
      • Je suis à la fois, l’Invisible et le Visible. Le Désir et l’Indifférence...
      • A chaque cycle de l’existence, mon cœur brûle de mille feux. Une Nouvelle Voix s’élève. Elle m’appelle.
      • Déjà je porte en moi la lumière de l’espérance.
      • J’attends mon heure. Je viens chanter dans vos songes.
      • Écoutez ma complainte, je suis Aigle-Esprit...
  • Je Continue
    • Je ne suis rien ni personne, et pourtant je m’obstine à respirer. Moi qui ne devais ni naitre, ni exister. Je m’éveille dans ce temps, et je veux encore aimer.
      • Je rêve, j’imagine, je crois, en cette humanité décadente et ingrate. J’espère, le cœur battant chamade, en un avenir meilleur.
      • J’observe, sans être vue. J’écoute sans être entendue. Je capture, toutes narines dilatées, les ultimes fragrances dispersées par notre Mère Terre. Je caresse l’écorce rugueuse des arbres. Ces êtres sublimes, emplit de force et de sagesse. Créatures palpitantes, sublimés par la Nature. Ils tendent leurs bras vers le ciel, avides d’amour et de lumière. Lentement, siècle après siècle, ils tissent des toiles sous nos pieds. un Enchevêtrement de racines, qui s’étirent en tous sens, à la recherche d’un semblable. Se nouant les uns aux autres, ils communiquent, partage et échangent nourriture et savoir.
      • Je savoure la caresse du vent sur ma peau. Je réchauffe ma chair sous les baisers ardents du Soleil.
      • Moi, simple grain de poussière, simple murmure du Néant infinis. Moi, Entité imparfaite et inaccomplie, je poursuis inlassablement mon chemin. Je cherche la Lumière de l’Accomplissement.
      • Le cœur brisé, le souffle haletant, je persiste à progresser sous la bourrasque. De mes mains nues, je crée le beau. je façonne, à même l’argile du Temps, les sculptures de mes rêves. Je taille mon âme, tranchant et polissant ses angles trop aigües.
      • Je donne sans espérer recevoir.
      • Mais ce Monde n’est-il pas le reflet de nos propres défaillances ?
      • Miroir de nos désillusions, de nos imperfections et de nos terreurs, il devient songe agréable ou cauchemar horrifique. Image superficielle, mirage s’évaporant sous la chaleur du Soleil. Trop souvent bâtit sur des chimères décadentes.
      • Pourtant, c’est à cet Espace Temps que j’appartiens. Dans mon sang circule l’oxygène de ce tumulte incessant. Dans mes pensées, tourbillonnent les affres de l’humanité. Dans mes gènes, je conserve les combats et les victoires de mes ancêtres.
      • Les yeux grand ouverts, et les nerfs tendus, je guette le bonheur. Le regard fixé sur l’horizon, je surveille la route. Je contemple le vol des oiseaux, et la course éternel du vent. Le souffle suspendu, je savoure chaque instants avec délectation. Le corps alangui, je m’offre aux caresses du plaisir. Je laisse le désir emplir tout mon Être. Je ploie sans résistance, acceptant les tendres baisers, et les délices de l’amour charnel. Ma bouche goute, sans retenue, aux miels et aux sucs. Mes sens s’éveillent aux offrandes sans pudeur.
      • Les mains ouvertes, et l’esprit attentif, je me tends, écoutant la respiration de l’Immatériel. Je mebaigne dans ce flux s’écoulant de l’Univers. Je communique avec les Esprits du Monde Invisible et impalpable. Je murmure dans le silence de la Nuit profonde. Je dialogue dans le Secret d Morts. Je suis le lien immortel d’une Mémoire ancestrale. Les paupières closes, je me tends à leurs baisers, à l’apaisements de l’Amour. Je regarde cette Vérité profonde. Moi simple mortels et fragile, on me fait cet honneur.
      • A voix basse, je questionne les Ombres. Parfois je m’égare au cœur d’un dédale de Visions passées. Je découvre, entre ces replis mystérieux, me propre destiné, ma propre réalité.
      • Je rêve de sieste sous la fraicheur douce des arbres du jardins des délices. Je songe au sens de l’existence. Je cherche le mouvement de la réalité. Je m’agrippe désespérée, aux parois glissantes d’une vie de combats. Je repousse avec force, le découragement qui parfois menace de me noyer. Je fabrique des projets, des idées colorées, pour dissoudre mes chagrins. Allongée sur le flanc de ma Mère Terre, je m’abandonne.
      • Mes illusions s’envolent. Je découvre au détour d’un chemin, la laideur des Hommes. J’étouffe en respirant l’air trop vicié.
      • Un brusque chagrin me submerge soudain. Les larmes roulent en cascades ruisselantes le long de mes joues. Le sel amer inonde mes illusions. Mes bras étreignent le vide de la solitude. Pourtant, j’apprends à donner sans retenue. Je persiste à aimer les Âmes et les Corps sans jugement ni condamnation. Je suis telle la flamme qui brûle éclairant ls Ténèbres. Mes lèvres prononcent encore les mots tendres, les paroles réconfortantes. Je veux exister dans l’inspiration et dans le Don de Soi. Je goute, j’avale, je mords et je savoure les fruits acides de la souffrance. Je refuse de vivre privée d’émotion. Je préfère la douleur et l’empathie, à l’ignorance de l’indifférence. Je marche sur le chemin de l’Éveil de ma Conscience. S’agit-il d’une Quête insensé ?
      • Je ne suis qu’une ombre, parmi les ombres. Un souffle tiède sur une Dune de sable brûlant. Un grain de sable qui se soulève, emporté toujours plus haut. J’élève mon Âme. Soutenue dans mes efforts par les mains charitables des Anges je parcoure ce labyrinthe incertain. , Bercée entre les bras réconfortants des miens, je poursuis ma Destinée. Je m’appuie, avec reconnaissance à cet Amour incommensurable. J’épanche tous mes chagrins sur ces épaules bénis.
      • Je continue, tout simplement parce que je ne sais rien faire d’autre...
      • FIN

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