Intrigue à Venise : roman Adrien Goetz

Résumé

"Assassiné à Rome quand on est le grand écrivain de Venise, c'est de la négligence ! Finir dans la chambre turque de la Villa Médicis, pitié ! Ça ferait trop rire ce pauvre Jacquelin de Craonne !" Le vieil homme sec, les joues creusées dans un ivoire gothique, regarde une dernière fois les formes géométriques : carrés magiques, cercles, diagonales, croissants et roses. Des panneaux de céramique algériens, ce bleu, ce jaune, ce sol rouge et noir, ce décor du dix-neuvième siècle, son ultime décor ? Son sang s'en ira d'un coup d'éponge. Pour ça, c'est bien, la céramique. La nuit est bruyante à Rome. Sur le fond du brouhaha qui monte jusqu'à ses fenêtres, il a d'abord entendu les coups sur le bois, tout proches. Achille s'est levé d'un bond. Il a hésité à enlever son pyjama pour s'habiller et leur faire face en costume, la main dans la poche de la veste, avec une pochette blanche. Il s'est rassis. Tout est perdu. "Je ne pensais pas que ce serait ça, la dernière oeuvre d'art que j'aurais sous les yeux. Du carrelage. Si je me barricade dans la troisième pièce de la suite, celle du fond, je peux gagner dix minutes, le temps qu'ils enfoncent toutes les portes... Si cet incapable de Rodolphe avait l'idée de se pointer..." Depuis deux ans qu'il est directeur de l'Académie de France à Rome, "la Villa" comme on dit, cette jolie auberge de jeunesse nichée dans un palais de la Renaissance, l'ambassadeur Rodolphe Lambel n'oublie pas ses amis. Il a laissé le mois dernier cette suite "turque", la plus belle cache du monde, à son camarade des Affaires étrangères, Achille Novéant, sans savoir trop pourquoi l'académicien lui demandait l'hospitalité. Achille n'avait rien raconté à son meilleur ami, son Patrocle, son frère ; les menaces, la signification des têtes de chat coupées, la traque dans Paris... À Rome, personne ne devait le voir. Tout le monde devait le croire encore dans son appartement parisien, rue de Rennes. Achille et Patrocle, on les appelait comme ça à Sciences-Po, ils avaient vingt ans, ils faisaient tomber toutes les filles pour leur voler leurs fiches de lecture. Son ami Lambel lui a aménagé sous les toits de la Villa une retraite digne du Masque de fer à Sainte-Marguerite. Au dernier étage, l'interminable escalier à vis conduisait à cette chambre, mythique depuis que Balthus, quand il était directeur de la Villa Médicis, s'y était enfermé durant des semaines pour peindre une petite fille nue, ou presque nue - ce qui est pire. Elle tient un miroir. Elle montre ses cuisses. Elle a douze ans. Le tableau est au Centre Pompidou. Le sort des tableaux provocants est de finir dans les musées pour que les groupes scolaires défilent devant eux. Et il y en a eu, dans l'histoire, avec Courbet, avec Rembrandt même... Si Balthus avait commis cela aujourd'hui, il serait à la Santé. Son cadavre à lui, pauvre Achille, sera bientôt à la morgue, avec ses furlane pourpres - ses pantoufles de doge achetées à la petite boutique en face du café, Calle Nuova Sant' Agnese, à l'arrière du palais Contarini-Polignac. Dès qu'il avait vu le chat mort, la tête tranchée, sur le paillasson de la rue de Rennes, Achille Novéant avait compris ce que cela voulait dire. Il allait payer. Il avait déguerpi.

Auteur :
Goetz, Adrien (1966-....)
Éditeur :
Paris, B. Grasset,
Collection :
Les enquêtes de Pénélope
Genre :
Roman
Langue :
français.
Pays :
France.
Description du livre original :
1 vol. (313 p.) : jaquette ill. en coul. ; 21 cm
ISBN :
9782246779711.
Domaine public :
Non

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