Le tabac Tresniek : roman Robert Seethaler traduit de l'allemand (Autriche) par Élisabeth Landes

Coup de cœur

Le Tabac Tresniek nous raconte l’histoire d’une drôle d’époque, à Vienne, en 1937, juste avant la montée du national-socialisme et de la chasse aux juifs par Hitler. Dans ce cadre, un jeune garçon, Franz, va quitter ses montagnes natales pour venir travailler chez un ami de sa mère, Otto, buraliste de son état. Otto a perdu une jambe à la guerre de 14 et, dans son échoppe, se croisent les classes bourgeoises et populaires, juives et non juives de la société de Vienne. Parmi eux, le pas encore célèbre Sigmund Freud, avec lequel Franz va se lier d’amitié et qui va l’initier aux apprentissages de la vie. Mais en mars 1938, tout change et Otto se fera des ennemis à vouloir conserver sa clientèle juive. Le jeune Franz aura à peine le temps de tomber amoureux et d’écouter les conseils de son ami Freud que la ville devient cauchemardesque. Écrit dans un style caustique et ironique qui laisse une large place aux événements historiques, l’intrigue est très prenante même si l’issue se devine, compte tenu du contexte. Mais le style reste résolument optimiste et passe de la gravité à l’espoir, du rire aux larmes et on accompagne avec beaucoup d’intérêt ce jeune homme à l’aube de sa vie d’adulte. Une phrase résume la philosophie du livre, pleine de poésie : les enfants ont des mamans, les hommes ont des mères »…

Résumé

En août 1937, le jeune Franz Huchel, contraint de gagner sa vie, quitte ses montagnes de Haute-Autriche pour apprendre un métier à Vienne chez Otto Tresniek, buraliste unijambiste, bienveillant et caustique, qui ne plaisante pas avec l'éthique de la profession. Au Tabac Tresniek, se mêlent classes populaires et bourgeoisie juive de la Vienne des années trente. La tâche du garçon consistera d'abord à retenir les habitudes et les marottes des clients - comme celles du "docteur des fous", le vénérable Freud en personne, toujours grand fumeur de havanes - et aussi à aiguiser son esprit par la lecture approfondie des journaux, laquelle est pour Otto Tresniek l'alpha et l'oméga de la profession. Mais, si les rumeurs de plus en plus menaçantes de la montée du national-socialisme et la lecture assidue de la presse font rapidement son éducation politique, sa connaissance des femmes, elle, demeure très lacunaire. Eperdument amoureux d'une jeune artiste de variété prénommée Anezka et ne sachant à quel saint se vouer, il va chercher conseil auprès du célèbre professeur, qui habite à deux pas. Bien qu'âgé et tourmenté par son cancer de la mâchoire, Freud n'a rien perdu de son acuité intellectuelle, mais se déclare incompétent pour les choses de l'amour. Il va pourtant céder à l'intérêt tenace que lui témoigne le jeune garçon, touché par sa sincérité et sa vitalité. Une affection paradoxale s'installe ainsi entre le vieux Freud et ce garçon du peuple, vif et curieux, à qui il ouvre de nouveaux horizons. Mais les temps ne sont guère propices aux purs et, dès mars 1938, l'Anschluss va mettre un terme brutal à l'apprentissage de Franz et à sa prestigieuse amitié. Otto Tresniek, qui persiste à vendre à sa clientèle juive, est arrêté, et Franz tenu de reprendre le magasin. Le jeune homme gère la boutique du mieux qu'il peut. Notant ses rêves sur la suggestion de Freud, il en fait un usage inédit qui s'avère une stratégie commerciale payante : chaque matin il affiche sur la vitrine son rêve de la nuit, attirant ainsi passants intrigués et clients potentiels. Son commerce s'en trouve mieux, mais ses amours vont mal... Après avoir appris l'assassinat de Tresniek dans les locaux de la Gestapo et assisté au départ en Angleterre de Freud acculé à l'exil, Franz ose un geste de révolte magnifique et désespéré. En lieu et place de la gigantesque croix gammée qui flotte sur Vienne, il parvient, à la barbe des gestapistes, à hisser le pantalon d'Otto Tresniek, dont l'unique jambe gonflée par le vent s'élève dans le ciel viennois. Tel un index pointé vers le lointain, elle fait signe à ses habitants de prendre le large. Mais on ne nargue pas impunément les dictatures... Par la grâce d'une langue jubilatoire (dont la traduction relève le défi), d'une intrigue où la tension ne se relâche pas, et de personnages forts et attachants, voici un roman qui se lit d'un trait. L'humour viennois d'Otto Tresniek et de Freud est la politesse du désespoir dans une société déboussolée où ils ne trouvent plus leur place. Pas plus que leur protégé Franz Huchel, plein de vie et de poésie, qui a hérité de leur humanité et ne peut se fondre dans le conformisme ambiant.

Auteur :
Seethaler, Robert
Traducteur :
Landes, Élisabeth
Éditeur :
Paris, S. Wespieser,
Genre :
Roman
Langue :
français.
Description du livre original :
1 vol. (249 p.) ; 19 cm
ISBN :
9782848051673.
Domaine public :
Non
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