Les Juifs et la modernité : L'héritage du judaïsme et les Sciences de l'homme en France au XIXe siècle Perrine Simon-Nahum

Résumé

Les Juifs ont souvent entretenu un rapport singulier à la modernité. C'est particulièrement vrai en France où, très tôt émancipés, ils prirent pleinement part à l'épanouissement du pays. En même temps qu'elle leur accorde la citoyenneté, la Révolution française leur ouvre l'accès à la science. Héritiers d'une culture où sacré et profane, loin d'être opposés, s'entremêlent, ils sont les premiers à s'engager dans l'aventure des sciences de l'homme qui marque le XIXe siècle. En effet, les savants juifs conservent de la tradition une conception du temps et de l'histoire qui leur permet d'échapper aux dilemmes auxquels sont confrontés les érudits protestants ou catholiques. Leur familiarité avec l'Orient et l'absence de dogmes, autorisant l'inclusion du religieux dans leurs objets d'étude, expliquent leur rôle fondateur dans l'essor de la science des religions mais aussi de la philologie, de la linguistique, de la mythologie comparée ou de la sémantique. Salomon Munk, MichSi l'on a coutume d'identifier l'avènement de la modernité politique et de l'individualisme contemporain à la Révolution française, Perrine Simon-Nahum, en étudiant le parcours et le rôle déterminant qu'ont joué en France tout au long du XIXe siècle un petit nombre de savants et historiens issus du judaïsme, pionniers des sciences de l'homme, montre que les Juifs échappent à ce processus dès son commencement. Le judaïsme hérite de la tradition une conception du temps et de l'histoire qui lui permet d'échapper aux dilemmes auxquels se trouvent confrontés les érudits protestants ou catholiques ; les Juifs ont ainsi, à la fin du xixe siècle, une familiarité avec la modernité qui leur permet d'anticiper avec plusieurs décennies d'avance les questions que seront amenés à se poser les savants issus d'autres confessions. Leur questionnement ne s'exprime pas dans les termes d'une tension avec une modernité abstraite, mais s'interroge sur l'influence qu'elle exerce sur les groupes, les communautés et les individus eux-mêmes ; le changement politique étant perçu non pas en termes de fracture historique, mais négocié dans ceux de l'identité. C'est la familiarité qu'entretiennent les Juifs avec l'histoire des civilisations antiques ou des langues orientales, mais également l'absence de dogmes, qui leur permet d'inclure le religieux dans leurs objets d'étude et explique le rôle fondateur qui sera le leur dans le développement de la science des religions, mais aussi de la philologie, de la linguistique, de la mythologie comparée ou de la sémantique. L'auteure s'interroge ainsi sur les formes prises par l'entrée du judaïsme en modernité d'une part, et la manière dont, en retour, il en définit les diverses expressions. el Bréal, Adolphe Franck, James et Arsène Darmesteter sont les grands ancêtres des intellectuels du XXe siècle. Cette rencontre entre judaïsme et modernité éclaire d'un jour nouveau l'histoire politique et intellectuelle française, restituant au religieux la part qui lui revient. Elle permet de saisir comment, depuis leurs disciplines respectives, les savants juifs contribuent à poser l'une des questions centrales de la modernité : celle de l'identité.

Auteur :
Simon-Nahum, Perrine
Éditeur :
Paris, Albin Michel,
Genre :
Essai
Langue :
français.
Description du livre original :
1 vol. (338 p.)
ISBN :
9782226439154.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Introduction
  • Première partie. L’entrée en modernité
    • 1. Modernité, identité et histoire
      • Entre modernité et Révolution
      • La double hélice du temps
      • Assimilation vs régénération
    • 2. D’autres Lumières
      • À l’aune de la Révolution
        • La question de l’universel
        • PageStart_50La médiation de Mendelssohn
        • L’Assemblée des Notables et le nouveau visage du judaïsme
      • De la conscience historique au discours sur l’histoire : l’entrée des Juifs dans les sciences historiques
        • Zalkind Hourwitz et sa théorie des langues
        • La religion de Benjamin Constant
        • La sécularisation comme récit du monde
    • 3. Faire société : l’identité démocratique du peuple juif
      • Le moment théologico-politique de la pensée française
      • Le Contrat social à la lumière du judaïsme
        • Réconcilier l’individu et la société : la figure du Législateur. L’œuvre de Joseph Salvador
        • Incarner le nouveau pouvoir spirituel
        • Saint-simonisme et judaïsme
        • Le positivisme et les Juifs
    • 4. L’émergence des sciences de l’homme
      • Le travail du religieux
        • À la recherche de l’homme : la rencontre du spiritualisme cousinien
      • Le génie du judaïsme
        • Une histoire séculière des religions
        • Adolphe Franck : Loi divine et lois humaines
        • La singularité du judaïsme : une histoire du sens
  • Deuxième partie. L’entrée dans les sciences de l’homme
    • 5. La science des religions et le traitement des langues
      • Le comparatisme et l’histoire : deux modèles de linguistique
        • Paris, capitale des études orientales
        • Deux modèles de linguistique
        • Burnouf et Renan, promoteurs de la science des religions
      • La Bible dans les civilisations
      • La syntaxe des civilisations
    • 6. Comment traduire Eschyle ?
      Les Juifs et la philologie
      • Une philologie juive ?
        • Lire les tragiques
        • Le geste d’Eschyle
        • Tragédie et katharsis
      • Penser ainsi que l’auteur l’a fait lui-même
      • L’ouverture vers la Mésopotamie
    • 7. La part de la science
      • La querelle du mythe : réouvrir l’histoire
      • La langue et la mesure de l’homme
        • La fondation de la sémantique
      • La Vie des mots321 d’Arsène Darmesteter
    • 8. Miroir du Moyen Âge : le savoir et le sujet
      • Un nouveau Moyen Âge
        • PageStart_180Histoire et récit de soi
        • L’universalité du corpus judéo-arabe
        • L’hébreu mishnique et les débuts des études sémitiques comparées
        • La mise au jour d’une école française : le Rachi d’Arsène Darmesteter
      • Le judaïsme comme philosophie
        • Le néoplatonisme médiéval
        • La figure de Maïmonide : une voie vers la modernité
      • Produire le savoir : un autre universalisme
    • 9. Le temps des polémiques
      • L’institutionnalisation des sciences religieuses
      • Qui a inventé le monothéisme ?
        • James Darmesteter et le Zend Avesta
        • Sacrifices et rituel
      • Une nouvelle religion : le prophétisme
        • Israël et ses prophètes
        • Bernard Lazare : du xixe siècle au xxe siècle
        • L’affaire Dreyfus comme « événement philosophique »
    • 10. Philosophie, science et politique
      • Jeunes gens en fleurs : le projet d’une nouvelle philosophie
        • « Une métaphysique des mœurs469 »
        • L’expérience religieuse
      • Les Juifs, paradigmes de la modernité : Durkheim et la sociologie
      • « Les Apôtres chez les anthropophages510 ». Salomon Reinach et le nouvel encyclopédisme religieux
        • Du meurtre rituel au totémisme
        • Le sacré dans la société
    • 11. Marcel Proust et le sacré transfiguré
      • À la recherche du temps perdu, un miroir intérieur
        • De Jean Santeuil à la Recherche du temps perdu : l’effacement de l’Affaire
        • L’Affaire s’obscurcit
      • Proust, un nouveau marrane ?
        • Swann, le premier
        • Judaïsme et inversion
      • Un marranisme littéraire
        • La disparition de l’intrigue
        • Le marranisme littéraire : la vocation du narrateur
  • Conclusion
  • Bibliographie générale
    • Sources
    • Travaux
    • Articles
  • Notes

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