Résumé

Parmi les très nombreux textes qui, dans la littérature réunionnaise ou concernant la Réunion, ont évoqué le marronnage, « Une chasse aux nègres-marrons » (1845) est, sans nul doute, l'un des plus attachants. La narration est captivante, attribuée à un voyageur qui prend langue avec son guide créole, Maurice, lequel va raconter cette histoire de chasse, parfois interrompu par les remarques impromptues d'un naturaliste qui est le troisième personnage de la scène narrative. Subtilement, le texte met en valeur le point de vue irréductible du créole, son attachement à l'esclavage et, dans le même temps, son appropriation de l'île qui constitue viscéralement son territoire. Ironique, le récit conclut sur une boutade à caractère énigmatique : « Dans votre île, la Providence n'a mis ni reptiles, ni bêtes féroces, répliqua le docteur ; il était réservé aux Européens d'y donner naissance à une variété de l'espèce humaine que j'appellerais volontiers l'homme des bois. » Mais qui est l'homme des bois : est-ce le marron, acculé à fuir dans les forêts ou les fameux chasseurs lancés à sa poursuite ? la vérité pittoresque de la Réunion ne serait ainsi pas dans les villes ou dans les « habitations » (plantations), mais bien dans ce monde inédit de la chasse à l'homme perpétuelle, où se justifient mutuelle ment leurs existences . (N.D.)