En quête de l'Orient perdu : entretiens avec Jean-Louis Schlegel Olivier Roy

Résumé

Olivier Roy s'est imposé comme un spécialiste mondial de l'islam politique. Mais l'acuité de son point de vue, amplement saluée, est-elle simplement due au savant travail d'un universitaire méditant les bouleversements géopolitiques dans la solitude de son cabinet ? Non : ce livre d'entretiens revient au contraire sur un parcours atypique, souvent surprenant, voire iconoclaste, conté avec talent et liberté - de ses engagements personnels depuis l'hypokhâgne et la khâgne de Louis-le-Grand aux voyages répétés en Afghanistan avant et pendant la guerre des années 1980 (en passant par la Turquie, l'Iran, le Pakistan, le Yémen...), qui ont entrecoupé sa carrière de professeur de philosophie en lycée, jusqu'à ses fonctions " officielles " en Asie centrale post-soviétique et sa consécration scientifique. Mais au-delà d'un récit vivant et coloré, les événements deviennent prétextes à de multiples réflexions, inédites et stimulantes pour l'intelligence de notre situation actuelle. Le livre continue en effet la réflexion originale de Roy sur ses objets intellectuels favoris : l'islam politique bien sûr sous ses multiples facettes (immigration comprise), mais aussi l'" invention des nations " post-soviétiques, le rapport du chercheur aux Etats qui le consultent et, plus largement, le devenir des cultures, des religions et de la laïcité dans les soubresauts de la mondialisation.

Auteur :
Roy, Olivier (1949-....)
Auteur :
Schlegel, Jean-Louis (1946-....)
Éditeur :
Paris, les Éd. du Seuil,
Genre :
Entretien
Langue :
français.
Mots-clés :
Nom de personne :
Roy Olivier 1949-.... -- Entretiens
Nom commun :
Islam et politique
Description du livre original :
1 vol. (313 p.) : couv. ill. ; 21 cm
ISBN :
9782020556699.
Domaine public :
Non
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Table des matières

  • Préface
  • PREMIÈRE PARTIE Préambule
    • 1 Paris-Kaboul en auto-stop : retour sur un départ
      • Mai 1969 : vous êtes en khâgne à Louis-le-Grand, vous avez dix-neuf ans et vous passez l’écrit du concours de Normale sup’. Vous n’attendez pas les résultats : début juin, vous partez en auto-stop en Afghanistan, avant l’oral. Vous aviez prévu de ne pas être admis à l’oral ou vous êtes parti sans vous soucier de la suite ?
      • Qu’avez-vous fait en Afghanistan ?
      • Pourquoi l’Afghanistan, à ce moment de votre vie ?
      • Donc, en Afghanistan, vous n’étiez pas du tout le seul Européen ?
      • Vous partez en Orient et vous retrouvez l’Occident. Et l’authenticité alors ?
      • Vous circulez sans obstacle ?
      • Les gens vous recevaient partout, sans poser de questions, au nom de l’hospitalité ?
      • Donc, vous trouvez, en cet été 1969, un « pays profond » que la modernité semble avoir épargné.
      • Tout le monde a entendu parler de l’importance des « tribus » et des clans en Afghanistan. De quoi s’agit-il au juste ?
      • Est-ce qu’on peut, comme ça, pénétrer dans une société traditionnelle ?
      • Qu’est-ce que vous faisiez de vos journées ?
      • Mais il a bien fallu revenir en France ?
      • Oui, mais, pour le moment, vous n’êtes qu’à Hérat…
  • DEUXIÈME PARTIE De Louis-le-Grand à Dreux (en passant par l’Afghanistan)
    • 2 Louis-le-Grand, la révolution de Mai 68 et le persan
      • Retour à la case départ ! De 1967 à 1969, avant ce voyage, vous vous trouviez donc au lycée Louis-le-Grand, en classes préparatoires au concours de l’École normale supérieure, et en pleine révolution de Mai 68. Quel rapport avec votre volonté de partir ? Qu’a été Mai 68 pour vous ? Quelle importance dans votre itinéraire ?
      • Vous êtes entré à Louis-le-Grand en septembre 1967, et c’est là que vous traversez Mai 68.
      • Le « terrorisme » ? N’est-ce pas un peu tôt pour l’évoquer ?
      • Concrètement, c’était quoi être militant de la Gauche prolétarienne ?
      • C’est une analyse que vous avez faite après coup ?
      • Est-ce que vous étiez engagé politiquement avant 68 ?
      • Un de ses ennemis était le parti communiste…
      • Est-ce que la Gauche prolétarienne avait un « chef » ou un « grand leader » ?
      • Il n’y avait pas d’opposition ?
    • 3 Louis-le-Grand et Normale sup’ : la crise des humanités
      • Normale sup’ de la rue d’Ulm et Louis-le-Grand n’accueillaient que des garçons en 1968 ?
      • Quels étaient les rapports avec les enseignants ?
      • Est-ce qu’on pourrait dire que les « sciences humaines », dont c’était le grand moment, restaient à l’extérieur de l’École et du lycée ?
      • La rupture culturelle, propre à l’époque, entre humanités et sciences humaines, se doublait d’une autre : la massification de l’enseignement.
      • Jean-Paul Sartre (j’y pense à cause de Benny Lévy) était-il déjà un maître à penser, ou le « protecteur » prestigieux de la Gauche prolétarienne et du gauchisme ?
      • Vous restiez à l’écart des luttes de pouvoir internes ?
      • Rétrospectivement, on a l’impression d’un jeu ou d’un scénario « révolutionnaire » antérieur, qu’il fallait absolument rejouer.
      • Pendant ce temps-là, si on peut pasticher de vieux récits, l’heure des concours approchait inéluctablement…
    • 4 Parfums d’Orient, du Yémen à la Chine
      • Au retour de ce premier voyage en Afghanistan, en septembre 1969, vous avez décidé de vous inscrire à l’université, et non pas de faire une troisième année à Louis-le-Grand – à supposer que vous ayez été accepté…
      • Donc direction l’université ?
      • Rétrospectivement, c’est Belaval qui avait raison. Le sujet est à la fois passionnant par rapport à la Chine et intéressant pour votre itinéraire ultérieur.
      • Oui, mais finis les voyages…
      • Où vous rencontrez la guérilla ?
      • Mais, une fois de plus, il a fallu rentrer…
      • Pas d’Afghanistan, donc, cette année-là ?
    • 5 Le retour au bercail
      • Retour, donc, aux études ?
      • Après l’agrégation, vous repartez en Afghanistan…
      • Jeune prof, désormais, vous aviez un salaire et pouviez vivre de façon indépendante ?
      • La communauté, c’était fini ?
      • Et vous vous installez à Dreux…
      • Vos parents sont absents de ces années d’entrée dans la vie professionnelle ?
    • 6 Cartes postales et billard américain
      • Que cherchiez-vous vraiment dans cette compulsion à voyager ?
      • On voit bien votre évolution intérieure mais, concrètement, elle menait à quoi ?
      • Est-ce qu’en disant cela vous évoquez l’esprit d’une époque assez précise − les mutations de la jeunesse (étudiante) dans les années 1960-1970 qui touchent le monde entier − ou un fait général, à savoir que les cultures particulières sont toujours « dépassées » par l’universel humain ? Et donc qu’il faut se méfier de tout « culturalisme » ?
      • Finalement, n’est-ce pas le terrain, ou la présence longue sur le terrain, qui peut dissiper ces mirages, ces perceptions faussées de la culture d’autrui ?
      • Vous avez parlé de la « culture au-delà des cultures », est-ce un simple humanisme ou bien cela suppose-t-il une maîtrise des cultures particulières ?
    • 7 Prof à Dreux : être de gauche, provincial et heureux
      • Vous avez donc continué à voyager, mais toujours en été, car vous aviez un enseignement à honorer dans la fonction publique, à Dreux, en province, après les « années de poudre » à Paris, pour parler comme Hamon et Rotman.
      • Quelles étaient les forces politiques à Dreux ?
      • Est-ce que vous veniez vous-même d’une famille de gauche ?
      • Vous avez dit que vous ne détestiez pas l’enseignement de la philo en lycée, même technique.
      • Est-ce qu’on pourrait dire, comme on l’a beaucoup fait par la suite, que les mœurs bousculaient le droit ?
      • Vous avez évoqué Giscard, ce temps où la droite était au pouvoir et où la gauche exerçait sa domination culturelle…
      • Est-ce que les « nouveaux philosophes », très célèbres à l’époque, vous ont atteints à Dreux ?
      • Pourriez-vous revenir d’un mot sur le débat à propos de la philosophie ?
      • Vous avez évoqué Althusser, le « maître » de vos amis de la Gauche prolétarienne…
      • Pourquoi cette méfiance ?
      • Vous suggérez donc que, dès les années 1970, se dessine un nouveau rapport des intellectuels à l’État, qui explique aussi, finalement, le « silence des intellectuels » qu’on a déploré après l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981 : le problème, en réalité, n’était plus le « soutien » intellectuel à la gauche ou au pouvoir en général.
      • Est-ce que vous avez vu arriver les médecins du monde, la vague humanitaire ?
      • Retour à Dreux : comment se passe pour vous l’arrivée de la gauche au pouvoir (les municipales précèdent les présidentielles) ?
      • Vous avez donc été déçu par la gauche au pouvoir ?
      • Françoise Gaspard était, me semble-t-il, énarque et agrégée d’histoire. Comment a-t-elle atterri à Dreux ?
      • Si je comprends bien, sur le terrain religieux aussi, Dreux a représenté pour vous un terrain de réflexion important pour la suite ?
      • Vous avez fait allusion à la seconde étape de la vague d’immigration des années 1960. Dans les années 1980, Dreux est ensuite devenue une ville-phare de l’implantation du Front national, avec le sommet de tension que fut l’élection de septembre 1983, où le maire RPR Jean Hieaux, allié au Front national, bat Françoise Gaspard de quelques voix.
    • 8 Sortie de classe
      • En quoi cette expérience d’une vie « soixante-huitarde », même décalée, a-t-elle rejoint votre réflexion sur les questions de culture ?
      • Ressentiez-vous aussi la demande de reconnaissance des homosexuels ?
      • Qu’en concluez-vous finalement ?
      • Et l’enseignement de la philo ?
      • Est-ce que vous étiez un prof « conformiste », sans histoires ?
  • TROISIÈME PARTIE La décennie afghane
    • 9 1980 : de nouveau, et pour de bon, l’Afghanistan
      • En 1980, vous décidez de repartir en Afghanistan…
      • Un propos paradoxal tout de même !
      • Un congé sans solde, forcément ?
      • Mais vous êtes revenu en France aussitôt après cette expédition.
      • Vous alliez donc dans l’Afghanistan envahie par les Soviétiques…
      • Vous rappelez-vous vos itinéraires, vos destinations ?
      • Comment étiez-vous perçu ?
      • Il est vrai tout de même que votre présence était curieuse.
    • 10 À pied, à cheval et en burqa dans l’Afghanistan en guerre
      • Chantal, votre compagne à l’époque, n’était pas venue avec vous pour ce voyage de 1982.
      • Vous êtes ensuite redescendu vers le Pakistan à travers l’Afghanistan ?
      • Pouvez-vous repréciser les dates ou les années de ces voyages, et leur nombre ?
      • Vous avez évoqué des situations très dangereuses, mais globalement vous donnez l’impression que ces voyages ont été, somme toute, assez faciles.
      • Chantal et vous avez toujours été du côté des moudjahidines. Terrain d’études ou militance ?
      • De cette expérience de terrain, vous avez tiré les analyses théoriques développées dans vos enseignements et vos livres ?
      • Nous reparlerons de cette leçon de votre parcours. Revenons un instant à votre premier livre, un livre événement, intitulé Afghanistan. Islam et modernité politique. Comment le lisez-vous aujourd’hui ?
      • Vous avez parlé d’« expertise ». Ce sont aussi les années où vous commencez à être reconnu publiquement pour votre connaissance, précisément, du terrain afghan.
      • Et dans un second temps ?
      • Mais les politiques ne voyaient pas les choses de cette façon !
      • Vous vous êtes intéressé aussi à l’Iran et vous avez écrit très tôt sur la révolution khomeyniste.
    • 11 Casquette bleue et bombes russes
      • Est-ce que l’enlèvement de Michel Seurat au Liban, en 1985, a joué un rôle dans votre parcours afghan ? On n’en était pas encore à sa fin tragique, mais je me souviens que l’événement a eu un retentissement considérable.
      • Mais est-ce que cela a changé quelque chose pour vous ?
      • Qu’avez-vous retenu de la Chine ?
      • Vous retournerez quand même en Afghanistan encore deux fois.
      • Avec ce poste, vous changiez de statut. Cet emploi vous a changé aussi ?
      • Ce groupe était forcément international ?
      • C’est votre sortie définitive d’Afghanistan ?
    • 12 L’échec de l’islam politique
      • C’est la fin de la décennie 1980, vous avez « baroudé » durant des années, mais vous êtes au CNRS. Comment est-ce que vous reprenez pied dans le champ de la « théorie » ?
      • Le titre de ce livre a été mal compris.
      • Mais le concept même d’islamisme ou d’islam politique a fait débat ?
      • Pourquoi l’islam politique perdure-t-il si longtemps ?
      • En effet, en tant qu’éditeur, je craignais l’ambiguïté du titre. Vous sembliez annoncer l’échec de l’islam politique à court terme, ou sa disparition, alors que vous démontriez en fait que, compte tenu de la structure de l’islam politique, ou de sa conception du politique et du religieux, ou encore de la nature du politique, il ne peut qu’échouer.
      • Dans ce livre, il manque cependant Al-Qaïda…
      • Vous avez aussi écrit, en 1999, Comment sortir d’une révolution religieuse ?, un livre sur l’Iran avec Farhad Khosrokhavar ? C’était une illustration de L’Échec de l’islam politique ?
    • 13 L’expérience de la guerre : prisonniers et bandits
      • Nous sommes donc au bout de la période « Afghanistan ». Faisons encore un retour sur la décennie 1980 : qu’avez-vous appris de ces années ?
      • Je suppose que le séjour n’a pas été tous les jours aussi souriant…
      • Je n’ai pas compris la « morale de cette histoire ».
      • On a du mal à comprendre le rôle de la religion. Vous donnez des exemples de grande humanité, de fanatisme, d’humour et de religiosité intense.
      • Peut-être parce qu’il y avait une femme ?
      • Tout compte fait, ce « bandit » a été plutôt généreux à votre égard !
      • Les Russes se comportaient donc comme les armées technologiques modernes : on bombarde les objectifs ennemis sans lésiner sur les bombes, pour éviter les victimes, mais sans aller au combat direct ?
      • Et les femmes dans la guerre ?
      • On a beaucoup parlé de la drogue mais, à partir de 1990, me semble-t-il, donc après la guerre.
    • 14 Djihad
      • Avez-vous rencontré des djihadistes étrangers venus faire la guerre en Afghanistan ?
      • Il n’y en a pas eu beaucoup comme lui !
      • Nous avons évoqué plusieurs fois leurs noms, mais Al-Qaïda et Ben Laden ne sont pas encore très présents dans les années 1980.
      • Il y avait d’autres Européens que vous ?
      • Comment avez-vous fait connaissance avec les talibans ?
      • Tous les jeunes n’étaient pas « religieux » ?
    • 15 L’Afghan Circus
      • Vous avez aussi noué durant toutes ces années des relations avec les services de renseignements, les ministères des Affaires étrangères de divers pays…
      • Bref, vous n’étiez pas seul à Peshawar…
      • Par exemple ?
      • Vous faisiez vous-même partie de cette « faune » de Peshawar, avez-vous dit.
      • Donc échec du côté de Paris à ce moment-là ?
      • Cela donne tout de même une curieuse image des services secrets.
      • Pensez-vous contribuer un jour à cette littérature ?
      • Votre expérience afghane vous a projeté dans un autre monde : celui des « décideurs » et des faiseurs d’opinion. Comment gère-t-on cela si on veut rester un intellectuel et un chercheur (et vouliez-vous vraiment rester un chercheur ?) ?
      • Là, vous évoquez les questions « théoriques ». Mais, pratiquement, qu’est-ce qu’on fait, comment cela se passe-t-il pour les sollicitations ?
      • Compte tenu du contexte de ces années, ce sont tout de même les Américains qui vous ont fortement sollicité ?
      • Ils vous agaçaient ?
      • Think tanks et décideurs ont quand même sérieusement sollicité vos avis et analyses ?
      • Comme je ne vous vois pas dans la pureté ni la complaisance, donnez-nous un exemple de « gestion distanciée ».
  • QUATRIÈME PARTIE La décennie Asie centrale
    • 16 Invité en Asie centrale par les Soviétiques
      • Vous avez peu évoqué les Soviétiques en Afghanistan, sinon pour rappeler quelques bombardements sur le terrain des opérations…
      • Et vous y allez ?
      • C’était une situation vraiment inédite pour un chercheur, mais finalement une chance qui n’aurait pu se produire dans les conditions d’une mission normale.
      • Pourquoi et comment le professeur Bennigsen allait-il « un peu loin » ?
      • Et la suite du voyage à Samarkand ?
      • Vous vous êtes retrouvé à nouveau dans la guerre ?
    • 17 Passeport diplomatique
      • Pourtant, vous revenez encore une fois, mais avec une autre casquette ?
      • Comment s’est passé votre rôle de création diplomatique ?
      • Laquelle ?
      • L’OSCE est, par définition, une organisation très internationale ?
      • Vous parlerez de votre nouveau mariage plus loin. Mais étiez-vous encore seul ou déjà en couple à Douchanbé ?
      • Pourquoi « complexes » ?
      • Nous reparlerons de ce qu’a signifié pour vous ce mariage. Comment avancez-vous ensuite dans le problème tadjik ?
      • L’Asie centrale de ces années vous a confronté au post-soviétisme…
      • Donc, l’URSS a inventé des nations.
      • Comment faisaient ceux qui n’étaient ni tadjikes, ni ouzbèkes, ni kazakhes, les déplacés d’avant la chute de l’empire ?
      • Comment s’est terminée l’expédition de Douchanbé ?
      • Sur la carte, l’Afghanistan est tout proche, c’est même un pays frontalier du Tadjikistan (du reste, on y trouve des populations tadjikes). Vous n’y êtes pas retourné ?
      • Dans tous vos voyages, on a l’impression que plusieurs niveaux se confondent : diplomatie, recherche, vie privée, voire trekking ?
    • 18 L’expert et le politique
      • Il y a eu des missions officielles autres que celle du Tadjikistan ?
      • Vous avez déjà évoqué ce point et, vous le dites, comme toujours, à partir d’une expérience de terrain : la décision rationnelle n’existe pas en politique.
      • Le passage de l’intellectuel engagé à l’expert est récent…
      • Sincèrement, est-ce que les experts et les chercheurs jouent réellement un rôle auprès des dirigeants ?
      • Un exemple serait peut-être indiscret…
      • Comment gère-t-on cela concrètement et intellectuellement ? Un jour, vous recevez un coup de fil d’un décideur, on vous convoque dans un ministère, vous y allez sans barguigner car vous êtes honoré, bien payé ?…
      • Sauf erreur, Bourdieu dénonçait l’ignorance de ces déterminismes par l’homo academicus, et il prétendait éclairer sa fausse conscience, en quelque sorte. Car, par ailleurs, en France en tout cas, au nom de la liberté et de la probité de la recherche, il existe, me semble-t-il, une tradition d’indépendance radicale de l’Université par rapport à tous les intérêts, non seulement ceux de l’entreprise, mais aussi ceux de l’État (en outre, dans le cas de Bourdieu, au moment où il écrivait ce livre, la critique marxiste de l’État libre était encore d’actualité).
      • Et vous, en toute modestie, vous savez faire ?
      • En dehors de cet éloge inattendu, mais convaincant, de la diplomatie, dont l’impuissance est souvent raillée aujourd’hui, qu’avez-vous appris d’autre de la « consultance » ?
    • 19 Mariage : l’Orient perdu et retrouvé
      • Votre mariage s’inscrivait aussi dans le contexte de votre rapport à l’Orient.
      • Tout est bien qui finit bien !
      • La rencontre de Martine est évidemment un événement de votre vie privée, mais les accointances avec votre itinéraire intellectuel vous ont frappé vous-même.
      • L’occasion d’un nouveau voyage, d’une nouvelle recherche, ou au moins d’un pèlerinage dans le village d’origine ?
      • En fait, la vitalité syriaque aujourd’hui est dans l’émigration ?
  • CINQUIÈME PARTIE Les cultures et l’universel humain. Vers La Sainte Ignorance
    • 20 Crise des cultures et universel
      • On a l’impression, en vous écoutant, que le fil conducteur de votre parcours n’est pas l’islam – même s’il est présent –, mais de plus en plus une interrogation sur ce qu’est la culture, ou les cultures ?
      • Pour vous-même, quelles sont les influences qui ont joué pour aller dans ce sens ?
      • Votre analyse du terrorisme apparaît comme plus existentielle, pour répondre en termes sartriens, que politique.
      • Néanmoins, les humanitaires, par exemple, devaient bien ressentir les différences culturelles ?
      • On a l’impression que vous insistez plutôt sur un universel « en devenir », ou sur une modernité qui universalise les comportements humains.
      • Pourtant les cultures restent, paraît-il, même quand on a tout oublié.
      • Faut-il parler d’uniformisation ?
      • Valtin et Nizan sont quand même, me semble-t-il, des exceptions dans la littérature. En général, on va dans l’autre sens.
      • En fait, il n’y a pas de passage uniforme du passé traditionnel à la modernité déculturée.
    • 21 Ce qui était bon dans l’orientalisme
      • Dans un livre posthume, La Construction humaine de l’islam, Mohammed Arkoun déclare son admiration pour le travail d’Edward Said, mais aussi son désaccord : selon lui, Said oublie que les orientalistes, qui étaient des gens de grande culture, ont apporté des connaissances précieuses sur l’islam, qu’on n’aurait jamais réunies sans eux…
      • Reconnaissons tout de même que nous sommes dans des subtilités, ou sur des lignes de crête complexes. Par exemple, on pourrait dire : si l’Orient des orientalistes n’existe pas, de quoi parle-t-on ?
      • Ne faut-il pas reconnaître cependant que Said avait raison sur le point suivant : l’appréhension de l’islam reste globalement très essentialiste ? Il est ceci, il est cela, il ne changera pas, etc. La définition essentialiste de l’autre musulman est-elle une maladie occidentale ?
    • 22 Contre l’essentialisme laïque
      • Ne faut-il pas une sécularisation de la société comme préalable à la démocratisation ?
      • Qu’est-ce qui change, ou qu’est-ce qui a changé ?
      • Ne faut-il pas au moins un certain « degré » de sécularisation, une classe moyenne, ou du moins des élites détachées de la pratique religieuse, que sais-je encore ?
      • Vous évoquez les États-Unis ou l’Égypte, ou la Tunisie, mais pouvez-vous préciser en quoi les analyses qui précèdent aident à comprendre la situation française ?
      • Ils vous diraient qu’ils n’ont pas le droit de faire des statistiques ethniques.
      • Pouvez-vous dire un mot de plus sur la « statistique locale » ?
      • Je me fais malgré tout l’avocat du diable essentialiste : parlons du voile et du foulard.
      • Et cela irrite…
      • Est-ce que vous parleriez de l’émergence d’un islam « libéral », pour prendre un mot qui fâche aujourd’hui (depuis longtemps, en fait) les religieux ?
      • Comment expliquer l’extrême diversité du jugement sur le devenir de l’islam chez les spécialistes ?
      • Pourquoi la référence anthropologique est-elle passée de la gauche à la droite ?
      • Dans les années 1980-1990, vous avez relié les problèmes de l’immigration à Dreux et vos réflexions sur la « culture mondialisée ».
    • 23 La décennie 2000 : où étiez-vous le 11 septembre 2001 ?
      • Pourquoi parler de « décennie » ?
      • La première décennie des années 2000 s’ouvre avec l’attentat contre le World Trade Center…
      • Quelles ont été pour vous, comme expert, les suites de l’attentat du 11-Septembre ?
      • Qu’a signifié le 11-Septembre pour le phénomène du terrorisme ?
      • Comment avez-vous réagi ensuite à l’intervention occidentale en Afghanistan contre les talibans ?
      • Comment expliquez-vous la destruction dès 2001 des Bouddhas de Bâmiyân par les talibans – sans doute une provocation – et les réactions d’indignation en Occident, qui les a considérés définitivement comme des barbares ? Les talibans n’ont pas détruit là les tombeaux de saints musulmans – ce qui était insupportable aussi –, mais le patrimoine d’une autre religion.
      • Et, en 2008, La Sainte Ignorance propose une analyse globale du contexte religieux actuel.
  • SIXIÈME PARTIE De l’intérêt d’une généalogie religieuse
    • 24 Être un jeune protestant dans les années 1950 et 1960
      • Si je puis me permettre : quelle est votre propre généalogie religieuse ?
      • On peut donc dire que le protestantisme (celui de la Réforme de Calvin) est une tradition qui vient de loin pour vous.
      • Donc la discorde entre protestants et catholiques fait aussi partie de vos « expériences » religieuses ?
      • Une « éducation protestante » : est-ce que l’expression est encore pertinente ?
      • La jeunesse était donc devenue un enjeu politique ?
      • Pour les protestants, l’école laïque ne faisait pas difficulté…
      • On a connu cela aussi dans l’Église catholique des années 1950-1960. Qu’est-ce qu’il y avait de typiquement protestant dans votre cas ? Quel rôle jouait la théologie, calviniste en particulier ?
      • Qu’est-ce qu’elles ne voient pas exactement ?
      • Pourquoi êtes-vous si sensible à la « religiosité » ?
      • Si le catholicisme (de gauche surtout) et le protestantisme ont des points communs, quel a été pour vous l’apport spécifique de la formation protestante ?
      • On peut imaginer que cela divisait les communautés ?
      • La guerre d’Algérie a été la grande épreuve politique des années 1950, pour les protestants aussi.
      • Et les célèbres principes protestants : la foi seule, la grâce seule, l’Écriture seule… ?
      • Avec un pasteur aussi exigeant, comment réagissaient les « braves » fidèles ?
    • 25 Peut-on penser sa propre vie ?
      • On retrouve dans cette description de votre jeunesse les thèmes principaux de La Sainte Ignorance : celui de la déconnexion entre foi et culture et celui de la « pure religion ». Est-ce que cela veut dire que, sur le fond, votre conceptualisation « académique » est le reflet d’une expérience vécue plus que d’une enquête de terrain ou d’une recherche intellectuelle ?
      • Quel rapport avec la « sainte ignorance » ?
      • Lors de la décennie 2000, vous êtes dans une situation stable : directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS, consultant au CAP, marié, père de deux jeunes garçons, habitant toujours à Dreux. Vous travaillez beaucoup sur le terrorisme, la guerre en Irak, et vous écrivez La Sainte Ignorance. Mais votre vie est plus calme. Kouchner vous propose alors de prendre la direction de la Prospective au Quai d’Orsay, que vous refusez. Vous démissionnez du CAP, vous vous placez en détachement du CNRS et vous partez à Berkeley, puis à Florence. Encore le syndrome de la rupture ?
  • Épilogue
    Un conte pour solde de tout compte
  • Table

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