Soi-même comme un autre Paul Ricoeur

Résumé

Redonner des bases sûres à la philosophie morale à partir d'une redéfinition du sujet : tel est l'objectif de Soi-même comme un autre, objectif qui en fait un ouvrage majeur pour la compréhension éthique et morale à notre époque. Cette entreprise ambitieuse n'est pas aisée, souligne Paul Ricoeur dès la préface, car elle oblige à explorer de nouvelles perspectives. Jusque-là, la philosophie a adopté deux attitudes opposées devant la notion de sujet : la survalorisation d'un côté, le rejet de l'autre. Le fameux cogito cartésien ouvrait la voie d'un moi dit « exalté », fondement de toute pensée, sorte de substance isolée qui existe indépendamment de l'existence du reste du monde. Ce sujet a été bousculé par les sciences humaines. Friedrich Nietzsche, Karl Marx puis Sigmund Freud et leurs successeurs n'ont pas été tendres avec lui : le moi s'est vu « humilié », accusé d'illusion, de superficialité, d'être manipulé par des forces inconscientes... Pour Ricoeur, pas question de poursuivre ces traditions. Il va falloir se placer au-delà de cette alternative. Ricoeur, en ce sens, et cela est notable dans toute son oeuvre, est par excellence le philosophe de la conciliation, celui qui surmonte les conflits. Au moi, il substitue le soi. Le langage courant, dans différentes langues, indique d'ailleurs cette opposition : soi, selbst, self s'opposent à je, ich, I... Qu'est-ce que cela signifie ? Le soi est plus modeste, souligne l'impersonnalité là où le je renvoie immédiatement à l'égocentrisme. Privilégier le soi, en ce sens, c'est privilégier la distance, c'est oublier l'égoïsme spontané, c'est s'ouvrir à l'altérité. Se mettre à la place d'autrui. Ricoeur saisit justement l'éthique dans ce rapport ambigu : le sujet n'est pas d'abord une substance mais avant tout un choix moral. Se penser « soi-même » en tant qu'autre signifie que l'autre est constitutif de ma propre identité. Si l'universalité de cette morale ne peut être fondée par le sujet, elle le sera dans le souci de la pluralité : se mettre à la place d'autrui, voilà la nouvelle source de la norme sociale. Ainsi, dans cette optique, Ricoeur dépasse l'opposition entre une éthique individuelle axée sur la pratique concrète (ce qui me semble bon) et une morale fondée sur des principes rigides (du type : tu ne dois pas...). C'est dans la sagesse pratique que Ricoeur dépasse ces conflits, dans le « bien-vivre » qui s'étend à la société et à son exigence d'égalité. Aujourd'hui âgé de 90 ans, Ricoeur ne cesse d'étonner par sa foisonnante fécondité intellectuelle qu'il a dernièrement manifestée avec son ouvrage La Mémoire, l'histoire, l'oubli (2000). Sa carrière fut riche et variée : enseignant successivement en France, à Louvain, Montréal, Yale et Chicago, il a gardé cet esprit d'ouverture qui fait de lui un philosophe complexe et original : Soi-même comme un autre, considéré par Ricoeur lui-même comme un ouvrage récapitulatif de son oeuvre fait preuve d'un grand souci de cohérence et de complétude. Sa morale est novatrice car à la fois riche des traditions qui la précèdent et en même temps inédite.

Auteur :
Ricoeur, Paul (1913-2005)
Éditeur :
Paris, Éd. du Seuil,
Collection :
Points
Genre :
Essai
Langue :
français.
Pays :
France.
Note :
Bibliogr. p. 411-421. Index
Mots-clés :
Nom commun :
Moi ( philosophie) | Identité (philosophie) | Altérité ( philosophie)
Description du livre original :
424 p. : couv. ill. en coul. ; 18 cm
ISBN :
2020299720.
Domaine public :
Non

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